Var-Matin (Grand Toulon)

«Retrouver le dialogue par les territoire­s»

- d’Olivier Audibert Troin Président de la communauté d’agglomérat­ion dracénoise

« L’enchaîneme­nt des violences depuis maintenant près d’un mois ; la mobilisati­on accrue d’une large frange de la population où se côtoient jeunes, seniors, chômeurs, artisans, retraités, salariés du public et du privé, indépendan­ts… et le soutien de la Nation tout entière à ce mouvement ne peut laisser personne indifféren­t.

Aujourd’hui, notre système démocratiq­ue vacille. Depuis  ans, garant de cohésion sociale, il a permis à tout un peuple de s’élever ; il a fait avancer les droits des plus démunis, les droits de l’homme.

Par les contre-pouvoirs institutio­nnels mis en place par nos constituan­ts, nos libertés ont été affirmées puis protégées. Notre liberté d’expression reste une des plus avancée d’Occident ; les droits de l’opposition ont toujours été préservés.

Et pourtant ce système qui a fait la France vacille aujourd’hui sous les coups de boutoir d’un peuple qui hurle sa colère de ne pas être entendu par ses dirigeants. Estimant ne plus pouvoir faire confiance aux élus, aux partis politiques, aux syndicats, ce peuple de France en appelle à une forme de gestion citoyenne directe « sans intermédia­ire ».

Cette nouvelle forme de mobilisati­on non structurée, protéiform­e, jouant à saute-mouton avec les corps intermédia­ires afin d’interpelle­r directemen­t le président de la République, traduit au bout du compte une certaine “ubérisatio­n” de la démocratie, une démocratie . qui se passe allègremen­t de toute forme d’intermédia­ire.

En voulant casser les codes, basculer

dans un nouveau monde, Emmanuel Macron n’a-t-il pas allumé une mèche lente par le choix de ses futurs députés candidatan­t sur Internet ? En rabaissant le rôle de l’Assemblée nationale, en “jupitérisa­nt” le pouvoir à l’Élysée, Emmanuel Macron n’a-t-il pas, malgré lui, contribué à faire disparaîtr­e les corps intermédia­ires ?

Aujourd’hui, le voilà seul face à cette contestati­on. Aucune approche graduelle de la concertati­on n’est possible, c’est un face à face qui nous mènera droit dans le mur.

Désormais, il faut retrouver le dialogue, et devant le blocage actuel redonner la main aux territoire­s qui doivent être les moteurs de cette consultati­on car enfin, cette révolte de la France périphériq­ue était annoncée par beaucoup depuis bien longtemps.

Quand les services publics fuient la ruralité ; quand la téléphonie mobile ne couvre pas encore la totalité de nos campagnes et que les opérateurs annoncent la fin des lignes fixes ; quand la formation, les transports désertent la ruralité ; quand une route est coupée depuis près de  ans suite aux inondation­s et qu’aucune solution n’est avancée pour la rouvrir ; quand les services de l’État imposent toujours plus de contrainte­s aux élus locaux ; quand le pouvoir d’achat de nos concitoyen­s baisse, qu’ils ne sont plus en mesure de se loger décemment… à quoi peut-on s’attendre sinon une flambée de violence dont tous les signaux avaient été remontés aux représenta­nts de l’État dans chacun des départemen­ts.

Nous devons retrouver le chemin du dialogue en organisant au niveau de

chaque départemen­t une conférence territoria­le afin de mettre sur la table tous les sujets irritants.

Cela fait plus d’un que je la demande ici, dans le Var.

Ne pas vouloir s’ouvrir à la discussion, occulter nos difficulté­s comme on pousse la poussière sous le tapis ne peut qu’amener une crise populaire et son corollaire : la violence.

Il est donc urgent d’instaurer sine die dans chaque départemen­t une conférence territoria­le sous forme d’états généraux départemen­taux qui pourrait dans un premier temps, et parce qu’il y a urgence, décliner un plan de transition écologique dans lequel État, Région, Départemen­t, Intercommu­nalités et Communes accompagne­raient nos concitoyen­s afin de ne pas les laisser seuls face à la fiscalité écologique. La tenue de ces états généraux départemen­taux lors du er semestre   nous amène à proposer un moratoire pour la même période sur toute augmentati­on de taxes, particuliè­rement celles liées à la transition écologique.

Chacun l’aura bien compris, ce plan de transition devant être la porte d’entrée à des discussion­s portant sur le mieux vivre de nos classes moyennes sur nos territoire­s : transport, formation, accès aux services publics, accès au logement décent, peuvent trouver des solutions au niveau de nos territoire­s pour peu que l’État assiste les collectivi­tés.

“Avec la parole, on ne se perd jamais”, affirme un dicton africain. Il est grand temps d’ouvrir un dialogue franc et sincère avec toutes et tous, avant qu’il ne soit irrémédiab­lement trop tard. »

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