Negresco: perquisition chez le procureur de Nice
Alors que le palace niçois est toujours sous administration judiciaire et la propriétaire sous tutelle, le parquet national financier a procédé à des perquisitions, y compris chez le procureur
Au sixième étage du Negresco où elle réside, Jeanne Augier, 95 ans, l’emblématique propriétaire, est très loin de ce brouhaha judiciaire. Cela fait bien longtemps qu’elle ne sort plus et qu’elle ne préside plus aux destinées de son palace. Son établissement, si convoité, est à l’origine d’une incongruité. Mercredi, des policiers parisiens ont débarqué au domicile du procureur de la République. Pour résumer, la justice enquête sur la justice. Jean-Michel Prêtre, le procureur de la République de Nice nous a confirmé, hier, que son domicile avait été perquisitionné « J’ai remis les documents que l’on me demandait, confie le patron du parquet niçois. Je n’en sais pas plus. C’est au parquet national financier de communiquer. Cela montre en tout cas que l’institution est capable de mener ce genre d’investigations sur l’un de ses propres magistrats… Mais c’est très violent. » Personne à Nice n’était au courant de cette spectaculaire opération. L’information a « fuité » hier, relayée par nos confrères du Parisien.
Les salariés au soutien de l’administratrice
Selon nos sources, une enquête pour trafic d’influence, corruption passive et active, atteinte à la probité, a été ouverte dans le prolongement de l’administration judiciaire du Negresco. Ce n’est un secret pour personne dans le microcosme économique et judiciaire local, de vives tensions opposaient l’administratrice judiciaire, Me Nathalie Thomas, dont le travail au Negresco a été unanimement salué, et le procureur de la République qui souhaitait mettre un terme à son mandat. Le conflit avait été rendu public à l’occasion d’une manifestation des 170 salariés qui comprenaient mal les intentions du parquet niçois alors que le Negresco, à la dérive il y a quatre ans, avait été remis à flots.
Opération de déstabilisation
Le directeur de l’hôtel, Pierre Bord, avait alors hurlé à l’opération de déstabilisation de l’administratrice judiciaire avec, dans le collimateur, le tribunal de commerce de la ville. Il avait d’ailleurs enregistré une conversation avec un magistrat consulaire qui confirmait ses accusations. Le comité d’entreprise puis le conseil d’administration de l’hôtel avaient alors envoyé à la cour d’appel d’Aix-enProvence une requête en suspicion légitime. Pour calmer les esprits, en avril dernier, le premier président de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a confié au tribunal de commerce de Marseille le suivi du palace niçois. En parallèle, une enquête pénale est toujours en cours. Elle vise l’ancien directeur artistique du Negresco, mis en examen pour abus de faiblesse après une plainte de l’administratrice judiciaire. Dans la foulée de cette plainte, Jeanne Augier, qui n’avait plus toutes ses facultés, avait d’ailleurs été placée sous la protection d’un juge des tutelles. Cette enquête qui semble s’enliser vise à déterminer si des proches de la nonagénaire, sans héritier, ont cherché à s’approprier le palace, via la présidence du fonds de dotation « Mesnage-Augier Negresco » , créé en 2009 par Jeanne Augier, sans héritiers. L’hôtel, qui perdait un million d’euros au moment de son placement sous administration judiciaire, en mars 2013, dégage aujourd’hui un million d’euros de bénéfice net par an. Les investissements se poursuivent à un rythme soutenu. « La célèbre rotonde est fermée depuis deux mois pour cause de travaux et les toilettes historiques, entièrement restaurées, ouvrent ce vendredi », précise Pierre Bord. « Nous sommes bien soutenus par le président du tribunal de commerce de Marseille qui est venu nous rendre visite », appuie encore le directeur, dont le courroux a été, semble-t-il, entendu en très haut lieu.