Zineb el-Rhazoui «face à un mal qui ronge la société»
Menacée de mort après des propos tenus sur l’islam, l’ex-Charlie s’inquiète de la révision de la loi de 1905. « Emmanuel Macron portera la responsabilité d’avoir ouvert la boîte de Pandore »
Elle vit sous haute protection policière depuis l’attentat de Charlie Hebdo du 7 janvier 2015. où elle collaborait comme journaliste. Elle est, depuis une semaine, à nouveau victime d’un déferlement haineux sur les réseaux sociaux. Zineb el-Rhazoui, apporte un regard aiguisé sur l’islam.
Que l’islam se soumette à la critique, aux lois de la République. Ces propos vous valent des menaces de mort ? Quatre ans après Charlie quel est le bilan ? On est menacé de mort pour une phrase de bon sens. Nous avons une partie de nos compatriotes qui sont en dehors de la communauté nationale, du droit, des valeurs. À titre personnel, c’est dur de se voir au milieu d’une tempête de haine. À titre de citoyenne, je suis inquiète et je pense qu’il y a une bataille culturelle contre l’islamisme qui est perdue avec la complicité de certaines élites françaises.
Comment expliquez-vous ce phénomène de radicalisation en France ? Le mal qui ronge notre société n’est pas franco-français. C’est la forme locale, conjoncturelle d’un mal international, d’une crise philosophique profonde qui traverse la civilisation islamique. La religion musulmane est traversée par un courant qui fait un hold-up intellectuel, qui rend les courants de pensées pacifiques minoritaires. Nous avons une communauté musulmane ou plutôt des Français de confession musulmane, qui sont évidemment liés à ce qu’il se passe dans le reste du monde. En France, la crise économique des années a croisé la montée de l’islamisme dans les pays musulmans et l’effondrement des dictatures laïques dans les pays arabes. Une partie des musulmans en France était marginalisée parce qu’ils étaient les derniers arrivés. Une partie d’entre eux n’étaient pas intégrés dans la société comme les couches d’immigration précédentes d’Italiens, d’Espagnols, de Polonais. Cela a donné un cocktail qui a pris de l’importance à force de compromissions, de mauvaises décisions politiques, d’abandon. Vous avez écrit Détruire le fascisme islamique chez Ring… Je voulais battre en brèche tous les arguments des islamistes et de leurs alliés qui permettent à cette idéologie mortifère et dangereuse de progresser. Les “Ceci n’est pas l’islam” ou “Pas d’amalgames” clamés après un attentat : toutes ces ruses sémantiques paralysent le débat en France depuis des années. J’explique pourquoi le concept d’islamophobie est une imposture intellectuelle. C’est l’autre côté de la médaille du blasphème en fait. On vous parle de racisme. Le combat antiraciste a été aussi dévoyé par les militants de cette idéologie. On a glissé vers un antiracisme communautariste qui consiste à sublimer la portion congrue de chacun et à vouloir institutionnaliser ce qui nous divise. Cette inversion des valeurs est caractéristique des périodes de confusion intellectuelle, propices à la montée des fascismes. Nous sommes en plein dedans. Et la révision de la loi de ? J’appelle ça le Concordat de Macron. Il concocte une reconnaissance de l’islam par la République. Cette loi est le ciment de ce pays. On a seulement besoin de courage politique et d’appliquer cette loi qui est parfaite. Je fais partie des gens qui demandent à ce que les deux premiers articles soient élevés au rang de principes constitutionnels. Sinon, il portera la responsabilité d’avoir ouvert une boîte de pandore dont on ne sait ce qu’il va sortir. Je suis mortifiée de voir que la France, avec son histoire, n’a pas identifié la bête immonde qui est face à nous. Moi, je la connais. J’ai grandi où elle a grandi, je parle la même langue qu’elle. Le sang de mes amis de Charlie Hebdo a coulé et je ne veux pas qu’il ait coulé pour rien. Je tiens le coup en me disant : quel pays laissons-nous à nos enfants ?