Var-Matin (Grand Toulon)

UN EXERCICE DE DÉMOCRATIE EN DIRECT

Hier soir à Vidauban, trois cents gilets jaunes ont écouté les conseils d’Étienne Chouard, défenseur du référendum d’initiative citoyenne, pour concrétise­r leur action.

- PROPOS RECUEILLIS PAR V. G. vgeorges@nicematin.fr

Étienne Chouard, 62 ans, milite depuis 2005 pour la création d’un référendum d’initiative citoyenne (RIC), idée placée au centre du débat public grâce aux gilets jaunes, qui plaident, comme lui, pour une démocratie directe. Hier soir à Vidauban, ce professeur dans un lycée de Marseille a présenté ses arguments.

Comment expliquez-vous que le mouvement des gilets jaunes se soit emparé du référendum d’initiative citoyenne ? Il y a une appétence universell­e pour le RIC. Cela fait  ans qu’il est demandé par les citoyens dans les sondages. Il y a - ans, tous les partis l’avaient à leur programme mais ils ne le feront jamais, c’est une bombe atomique. Chez les gilets jaunes, il y a des débutants et des militants. Quand leurs doléances sont sorties, il y avait des sujets législatif­s, ils demandaien­t des décisions qui améliorent leur sort, c’est l’habitude des humains. Et au milieu de cette liste, quelque chose d’exceptionn­el, une pépite : le RIC. Là, on est au niveau constituan­t. Le peuple veut écrire et voter lui-même les lois. Ce n’est pas révolution­naire, c’est évolutionn­aire, subversif.

Doit-on mettre des limites au RIC? Certains sujets doivent-ils en être exclus ? Non, pas pour moi. Mais c’est un débat. Les gilets jaunes imposent ce débat. Certains élus le reprennent, car ils savent qu’ils vont l’écrire, et écrire un « fake ». Élire c’est le contraire de voter.

Ne risque-t-on pas de régresser sur certains points : peine de mort, avortement, etc… ? La peine de mort, l’avortement, c’est des chiffons rouges… De mon point de vue, la peine de mort, c’est barbare, inefficace, je suis contre. L’avortement, c’est essentiel. Mais comme je suis démocrate, ce n’est pas à moi et mes copains d’en décider, c’est à tout le monde. Je sais bien que le peuple ne va pas toujours décider dans le sens que je veux, mais ça ne me vient pas à l’idée de m’y opposer. Sur le plan de la philosophi­e politique, c’est intenable. Dans les institutio­ns que nous écrivons, il n’y aura pas de filtre mais une période (six mois, un an, deux ans) de débats entre le déclenchem­ent du RIC et le vote. La chambre du référendum, composée de citoyens tirés au sort, devra s’occuper d’organiser la mise en scène des conflits, c’est-à-dire confronter les meilleurs experts favorables ou défavorabl­es, présenter la controvers­e pour éclairer l’opinion, avec toutes les informatio­ns. La démocratie fera peut-être des erreurs. Les élus ne se trompent pas, eux ?

Le RIC a-t-il une chance de devenir réalité ? Il me semble que oui… Mais ce n’est pas gagné. Les gilets jaunes sont exemplaire­s, ils s’émancipent, montrent ce que nous devrions tous faire. Martyrisés (destructio­n du Code du travail, de la Sécurité sociale, des services publics), excédés par l’obscénité des pouvoirs, ils sortent dans la rue, se rendent compte qu’ils ne sont pas seuls à être pauvres, et décident de rester ensemble sur des ronds-points où ils refont société. Ils refusent toute forme de représenta­tion. Ils mettent de côté leur drapeau politique ou syndical, car c’est le ferment de la zizanie. Ils se donnent les moyens d’être unis. C’est la cause commune des humains sur terre. On est à un tournant.

Vous êtes très critique vis-à-vis des journalist­es… Dans les institutio­ns que nous écrivons, il y aura une chambre des médias. Il ne faut plus que les médias soient détenus par des milliardai­res pour que les journalist­es soient libres d’informer.

Certains vous reprochent des sympathies douteuses. Êtes-vous à gauche de la gauche ou à droite de la droite? À gauche, bien sûr.

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(Photo Dylan Meiffret)

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