Juillet , de Lesdiguières lève le siège de Nèbre... Evenos
Chargé de mater les ligueurs catholiques, le lieutenant général de Provence de Lesdiguières et ses troupes, après plusieurs jours de siège du fort, se font gruger... par un porcelet
Au cours de l’été 1592, en pleine guerre de religion le comte dauphinois de Lesdiguières, lieutenant général de Provence pour le roi Henri IV, est chargé de mater les ligueurs catholiques. Le 8 juillet, après avoir conquis les villages de La Cadière et du Castellet, il se présente sous les remparts de Nèbre avec ses mercenaires et ses canons. La place est tenue par une poignée de guerriers commandés par l’Ollioulais Louis Isnard « vaillant soldat, petit de taille et incommodé d’une jambe. » S’il ne paie pas de mine, l’homme ne manque pas de roublardise. Vu du camp adverse, la forteresse impressionne. Juché à 362 mètres d’altitude, entre ciel et roc, sa masse angulaire et ses hauts murs lugubres lui confèrent une allure dantesque. Sa ceinture fortifiée épouse la circonférence du piton. Et son donjon, dont l’éperon en forme d’étrave est tourné vers la seule voie d’accès possible, est un modèle d’architecture militaire. De surcroît, sa façade est formée de pierres basaltiques arrondies conçues pour faire dévier les projectiles.
Un agglomérat de blocs de lave chavirés
La description qui en est faite par Marc Quiviger dans son opuscule « Évenos vieux village » (1990) est éloquente : « Tel un vieux vaisseau de combat patiné par le temps, la proue du donjon sur laquelle s’accrochent quelques maisons éparses, cherche désespérément sa route vers le futur... » Tout autour du hameau le paysage est irréel, tourmenté, fantasmagorique... C’est un agglomérat de blocs de lave chavirés, de masses calcaires crevassées, de ruissellements d’éboulis, de gorges profondes et d’à-pics vertigineux. Le 8 juillet 1592 donc, après être parvenu à hisser son artillerie jusqu’aux confins nord du château, seul espace où elle peut être mise en batterie, Lesdiguières engage le combat. Mais ses assauts sont vains. Si bien que plusieurs jours et « Cent septante coups de tonnerre » plus tard, il décide de lever le camp pour rejoindre son fief grenoblois. Cet épisode guerrier est à l’origine d’une anecdote qui mérite d’être relatée.
Un astucieux stratagème...
Après plusieurs jours d’encerclement, les défenseurs de Nèbre, à bout de ressources, usent d’un astucieux stratagème conçu par leur chef Louis Isnard... Afin de persuader l’ennemi qu’ils sont à même de tenir un siège interminable, ils prennent leur ultime sac de blé, en gavent le dernier porcelet vivant, et le lâchent au beau milieu des assiégeants. Ces derniers, au prix d’une course folle sous les remparts, se saisissent de l’animal et l’éventrent dans l’espoir de s’en régaler. Mais au moment du dépeçage, à leur grande surprise, ils découvrent le grain et portent aussitôt le goret à Lesdiguières. Voyant cela, ce dernier aurait lâché en substance : « Ce n’est pas la peine d’insister, ils ont des vivres à profusion, sinon ils n’engraisseraient pas leurs cochons avec du blé ! »
Fête votive dédiée à saint Martin
Mais, le plus étonnant dans cette histoire est qu’il a existé au vieil Évenos, jusqu’en 2008, une « Course au cochon », manifestation commémorative à laquelle ne pouvaient participer que des « Estrangers ». Et pour cause... ladite course se déroulait le 11 novembre, jour de la fête votive dédiée à saint Martin, patron de la communauté villageoise. Organisée par l’association du vieil Évenos et de son environnement, présidée par la regrettée Suzy Hernandez, cette ultime épreuve a eu lieu le 11 novembre 2008 dans le strict respect de la tradition. Sauf que cette fois l’animal – une petite femelle nommée – au lieu d’être offert au vainqueur, a été confié à Jacqueline Faucher, déléguée de la SPA. Aux dernières nouvelles, l’animal coulerait des jours heureux auprès d’une famille d’accueil...