Var-Matin (Grand Toulon)

Richard Orlinski: «Il faut toujours croire en ses rêves»

En signant notre première “une” de l’année, l’artiste témoigne de son attachemen­t à une région où ses sculptures en bronze prennent corps. On le savait aussi DJ, on le découvrira bientôt en one-man-show !

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCK LECLERC

Que ce soit dans l’espace public, sur un plateau de télévision, en galerie ou en boutique, tout le monde a déjà vu au moins l’une de ses oeuvres. Probableme­nt une version de son gorille à facettes Wild Kong, en quelque sorte sa marque de fabrique. Artiste populaire, Richard Orlinski est aussi un chef d’entreprise prospère. Lui, qui rêvait d’une audience à la Jeff Koons, emploie aujourd’hui deux cents personnes, dont une trentaine dans les AlpesMarit­imes. À Saint-Jeannet, sa fonderie Orlinski Factory produit tout un bestiaire de bronze dont près de cent marchands dispersent les tirages à l’étranger. Une réussite qui fait grincer des dents. On lui reproche soit une certaine facilité, soit un succès commercial qui, selon le site de cotation Artprice, le place en tête des artistes français les plus vendus dans le monde. Orlinski n’est pas Soulages ni Venet, même s’il collection­ne à titre personnel Arman ou Ben Vautier. En marge des circuits traditionn­els, il s’est imposé avec le soutien d’amateurs fortunés et peu férus d’avant-garde, « lassés, dit-il, qu’on leur impose ce qu’ils doivent acheter ».

Son goût du monumental ne l’empêche pas de signer un multiple vendu pour quelques dizaines d’euros chez Disney. Il a toujours aimé le succès. Dans une vie antérieure, l’immobilier lui permettait déjà de vivre dans un 300 m2 sur l’avenue Foch et de rouler en Ferrari. Depuis, Orlinski a troqué ses costumes Dior pour un look branché, plus adapté à l’activité de DJ qu’il pratique aussi, à ses heures perdues.

Pétrifié, selon vous, l’art ferait sa vie à l’écart du monde. Tout votre parcours s’y oppose ?

C’est un peu le résumé de mon livre, Pourquoi j’ai cassé les codes (). L’idée, c’est de rendre l’art accessible. Populaire. Dans une démarche qui, effectivem­ent, n’est pas adoubée par un petit milieu très parisien. Raison pour laquelle j’aime autant faire un Mickey ou un Pac-Man à moins de  euros qu’une sculpture monumental­e à plusieurs centaines de milliers d’euros. Ce qui m’intéresse, c’est de parler au plus grand nombre. Tout en gardant cet équilibre, ou disons cette cohérence, entre le prix des oeuvres plus importante­s et leur vrai coût de production. Je recherche une lisibilité instantané­e, une émotion immédiate. En laissant le public s’approprier ce que je fais, comme il en a envie. En toute liberté.

Vous abordez avec honnêteté le procès en « parasitism­e » intenté par le galeriste Emmanuel Perrotin et l’artiste Xavier Veilhan…

Aujourd’hui, ce sujet fait jurisprude­nce et s’étudie dans les facs de droit et dans les écoles d’art. Il y a vraiment un avant et un après. Mais le procès que j’ai gagné ne portait pas tant sur la propriété intellectu­elle ou sur la contrefaço­n que sur des choses plus personnell­es. L’assignatio­n – cent pages ! – reposait davantage sur ce que je suis, moi, que sur mes oeuvres. Encore et toujours cette même histoire : je n’ai pas la carte, je n’ai pas les codes. Et ça dérange. En tout cas, heureuseme­nt que l’on ne peut pas s’approprier une technique ou une couleur. Même Yves Klein n’a pas déposé un bleu, contrairem­ent à ce que l’on croit souvent, mais une façon de lier et de fixer le pigment. Klein que j’admire et dont je possède une petite Vénus, sous la forme d’un bijou. De même que j’ai dans ma collection des oeuvres de Ben Vautier, Arman, César…

À vouloir vous distinguer à toute force du milieu de l’art contempora­in, n’y a-t-il pas quelque chose de contradict­oire et même d’un peu démago ?

Non, je n’ai pas cherché à me distinguer. J’ai juste voulu trouver mon propre chemin quand les portes se fermaient les unes après les autres. Guy Pieters a été l’un des rares à croire en moi au tout début, il a d’ailleurs gardé pendant un mois mon crocodile dans son bureau. Mais un marchand français a exigé l’exclusivit­é et j’ai lâché l’affaire – de toute façon, j’étais quantité négligeabl­e. Aujourd’hui, je n’ai aucune animosité à l’égard de quiconque. Même si je sais que les artistes ne s’aiment pas entre eux, il n’y a rien de revanchard chez moi. Je ne regarde pas ce qui se fait à côté. Je trace ma route et c’est tout.

En France, on supporte mal la réussite ? Que vous aviez connue auparavant, dans l’immobilier…

La différence, c’est qu’il n’y avait pas la notoriété. On se contentait de rayer ma voiture ! L’ego est plus fort que l’argent. Plus fort, plus puissant, plus violent. Ce qui compte pour moi, aujourd’hui, c’est la transmissi­on. Depuis mon plus jeune âge, c’est toujours ce qui m’a attiré : je voulais être artiste. Chacun sait qu’il y a très peu d’élus. Comme j’avais tout simplement besoin de manger, j’ai choisi la voie de la raison. Mais je suis la preuve vivante qu’on peut réaliser son rêve.

Un nouveau rêve devient réalité : le spectacle.

Un one-man-show sur une idée de Laurent Baffie. Qui parle de mon histoire et notamment de mes failles, les échecs étant toujours plus drôles que les succès. Le titre me plaît : Tête de kong(). Je raconte le milieu de l’art, les critiques. Pour faire rire, parce qu’on a tous besoin de divertisse­ment. Mais s’il y a un message, c’est qu’il faut croire en ses rêves. On peut y arriver en travaillan­t, c’est mon leitmotiv. Et moi, j’y consacre cinq heures par jour depuis près d’un an. Que le résultat plaise ou non, au moins, on verra que j’ai bossé. Je terminerai à l’Olympia, après des petites salles pour me roder. Je peux déjà vous dire que je jouerai

à Nice le  mai!

Je recherche une émotion immédiate ” Mon spectacle à Nice, puis à l’Olympia ”

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 ??  ?? 1. Paru chez Michel Lafon, 237 pages, 19,95 €. 2. Tête de kong, samedi 4 mai, au RoyalComéd­ie de Nice, hôtel Royal (promenade des Anglais).
1. Paru chez Michel Lafon, 237 pages, 19,95 €. 2. Tête de kong, samedi 4 mai, au RoyalComéd­ie de Nice, hôtel Royal (promenade des Anglais).
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