Var-Matin (Grand Toulon)

L’idée, c’est de retrouver le plaisir de la création avec des chefs d’entreprise­s qui ont envie de faire du beau ”

- C. MARTINAT

Il n’était pas question de s’installer ailleurs qu’à Hyères !, raconte Pascal Aulagner. Avant de partir aux États-Unis, on a vécu onze ans à Paris. On faisait régulièrem­ent des allers-retours à Hyères pendant les vacances, avec les enfants, qui ont aussi leurs attaches ici. » C’est à cette époque que Pascal Aulagner « apprend le métier ». « Après la fac Saint-Charles à Marseille, j’ai commencé à travailler pour des studios, puis j’ai eu le mien. J’ai travaillé avec des grands noms du luxe comme Chanel… J’avais aussi énormément de clients américains et je faisais beaucoup d’allers-retours, surtout à New York. » Plus de temps dans les avions qu’avec sa famille… C’est pour cette raison que Pascal et Pascale décident de s’installer outre-Atlantique. « Même si ma femme n’est pas fan des grandes villes. Elle était plutôt contre l’idée de vivre à New York… Du coup, on s’est installé à Larchmont dans le New Jersey, une petite ville avec une grosse communauté française, au bord de la mer et pas loin de New York où je travaillai­s. » Une vraie vie d’exilés, Pascal Aulagner ne rejette pas le terme. « Quand on se rend aux États-Unis pour les vacances, on trouve ça formidable. Quand on y vit, on se rend compte du fossé culturel. Je l’ai vraiment ressenti fortement. » Arrivé sous l’ère Bill Clinton, Pascal Aulagner a quitté le nouveau monde un an avant l’avènement de Donald Trump. « On a vu le pays changer pendant toutes ces années. Il y avait eu les Twin Towers, puis la crise des subprimes en 2008. Ça a été très violent. À mon sens, on a vu ce pays se recroquevi­ller. » Pascal Aulagner reconnaît qu’à un moment donné, « c’était trop ». Pour toute la famille. « Les enfants ne voulaient pas faire leurs études là-bas, même s’ils sont plus Américains que Français vu le temps qu’ils ont vécu làbas. Ils préfèrent la France ! On avait tous envie de revenir, le pays nous manquait ! » Un autre événement précipite un peu la décision. « Au bout de quelques années, on a déménagé dans une ferme, dans une petite ville du Connecticu­t, Newtown, que personne n’aurait jamais dû connaître ici. Mais un jour un jeune a tué vingt gamins (et huit adultes, Ndlr) dans une école primaire (1). Ce n’était pas celle de mes enfants, mais ils avaient des camarades dont les frères et soeurs étaient scolarisés dans cette école. Disons qu’on a senti le vent des balles qui ne passent pas loin. » Côté boulot, l’aventure a été magnifique, mais elle se termine aussi. « J’ai eu un studio à New York et une boîte où on faisait de la retouche et ça tournait bien. Mais mon métier, la pub, a vraiment changé pendant toutes ces années. J’avais toujours travaillé avec des grosses boîtes, des grosses agences et on parlait entre créateurs. Avant de me demander de photograph­ier un parfum, on me le faisait sentir ! Et puis le métier est passé aux mains des commerciau­x et c’est devenu bien moins intéressan­t ! On ne parle plus création, on ne s’amuse plus. Si c’est pour refaire les mêmes lumières tous les matins… » Entre mal du pays et envie profession­nelle de passer à autre chose, l’aventure américaine se termine. « Ma femme est rentrée un peu avant, moi début 2015. J’ai créé Toastprod. Je continue à travailler avec des clients américains et parisiens – pour manger –, mais je cherche à développer une nouvelle clientèle. J’ai commencé à travailler avec des chefs d’entreprise comme celui de Naturado, une petite boîte qui fait des cosmétique­s bio. L’idée, c’est de retrouver le plaisir de la création avec des gens qui ont envie de faire du beau, de faire des choses un peu excitantes… Sans pour autant avoir de gros budgets ! Je fais tout : des photos, de la vidéo, le montage, les retouches. Je voyage encore mais désormais, je vis à Hyères. » Trois ans après son retour, Pascal Aulagner n’a aucun regret. « On est bien en France !» C’est pourtant sur un rond-point, gilet jaune sur le dos, qu’on l’a retrouvé. « J’y suis allé dès le début, par curiosité. Autant de gens différents qui se parlent, toutes ces histoires individuel­les, ces galères qu’ils partagent,

Il n’était pas question de s’installer ailleurs qu’à Hyères”

ça me fascine un peu. Ce serait inimaginab­le aux États-Unis. Un Américain ne raconte pas ses difficulté­s. S’il est en galère, c’est de sa faute ! » C’est peut-être ça que Pascal Aulagner a retrouvé avec le plus de plaisir en revenant en France : de vraies conversati­ons ! « Avec des Américains, on n’a pas ce genre de conversati­on. On va parler du dernier match de basket, du dernier resto qu’on a testé. Mais ça ne va pas chercher plus loin. Il ne faut pas choquer, il faut éviter les sujets politiques, respecter les convention­s. En France, c’est plus facile d’avoir une vraie discussion, même avec un inconnu. Revenir ici, résume-t-il, c’est un vrai retour aux sources : culturel, familial, profession­nel et créatif ! » 1. La tuerie de l’école primaire Sandy Hook, à Newtown, a eu lieu le 14 décembre 2012.

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