Var-Matin (Grand Toulon)

La « piste » d’un référendum à questions multiples étudiée

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L’exécutif étudie la piste d’un référendum à questions multiples sur les institutio­ns, qui serait une manière de répondre à des demandes des « gilets jaunes » et de reprendre la main sur une réforme maintes fois reportée. Vote blanc, proportion­nelle, cumul des mandats, nombre de parlementa­ires: telles seraient les questions envisagées lors de cette consultati­on, selon le député de La République en Marche, Sacha Houlié. « Cette piste est à l’étude », a affirmé, hier, sur LCI l’élu de la Vienne, proche du président Macron. Ce référendum pourrait avoir lieu à l’issue du Grand Débat national, voulu par le chef de l’Etat pour répondre aux « gilets jaunes » et dont deux thèmes, « organisati­on de l’État » et « démocratie et citoyennet­é » portent sur les questions institutio­nnelles. Emmanuel Macron doit, via la presse et les réseaux sociaux, écrire aux Français dans les prochains jours pour préciser les contours de ces échanges. Le chef de file des sénateurs LREM, François Patriat, soutient cette idée de référendum sur les institutio­ns, qu’il aimerait voir organisé le jour des élections européenne­s, le 26 mai, a précisé à l’AFP l’élu de Côte d’Or, confirmant une informatio­n du Canard enchaîné. Mais le chef des députés de la majorité à l’Assemblée nationale, Gilles Le Gendre juge prématurée et « secondaire » cette propositio­n, qui « risque de bâcler l’étape du débat national et du contenu ».

Démocratie participat­ive

Devant le Congrès à Versailles en juillet 2017, Emmanuel Macron avait déjà évoqué la possibilit­é de recourir au référendum pour réformer les institutio­ns. Cette hypothèse prend un relief particulie­r dans le contexte des « gilets jaunes », qui manifesten­t depuis plusieurs semaines pour demander notamment davantage de démocratie participat­ive, à travers des assemblées citoyennes ou l’organisati­on d’un référendum d’initiative citoyenne (Ric). Elle permettrai­t aussi à l’exécutif de relancer sa réforme des institutio­ns, reportée à plusieurs reprises, et qui devra désormais « tenir compte » du débat national qui s’achèvera en mars, selon le Premier ministre Edouard Philippe. Pour autant, les questions institutio­nnelles ne seraient pas toutes résolues par ce référendum à questions multiples, explique Anne Jadot, maître de conférence­s en science politique à l’université de Lorraine. La prise en compte du vote blanc, l’introducti­on d’une dose de proportion­nelle, ou la limitation du cumul des mandats dans le temps, qui relèvent de la loi ordinaire, pourraient effectivem­ent faire l’objet d’un référendum, défini par l’article 11 de la Constituti­on : le président, sur propositio­n du gouverneme­nt, soumet un ou des projets de loi à référendum. Mais les questions d’incompatib­ilité de mandats ou de réduction du droit d’amendement supposent, elles, de réviser la Constituti­on et relèvent d’un référendum constituti­onnel, défini par l’article 89. Or il est difficile à envisager étant donné que le texte de loi doit être auparavant adopté dans des termes identiques par les deux assemblées, alors que le Sénat est dominé par l’opposition de droite. Proposer plusieurs questions permettrai­t en outre « de diluer » les réponses. « Il n’y aurait pas un seul oui ou un seul non » et cela « enlèverait de la charge symbolique » au référendum, qui avait été associé à un plébiscite sous le général de Gaulle, quand ce dernier avait mis sa démission dans la balance en 1969.

Pas de consultati­on sur le choix du nombre de parlementa­ires

Mais si le référendum a lieu le jour des élections européenne­s, un scrutin marqué traditionn­ellement par une forte abstention, Anne Jadot y voit « un petit danger » pour l’exécutif car « il pourrait faire venir davantage d’électeurs aux urnes », parmi lesquels « des opposants ». Le constituti­onnaliste Dominique Rousseau prévient aussi que la consultati­on ne permettrai­t pas de demander aux Français leur avis sur le contenu des réformes, comme le nombre de parlementa­ires. Car l’article 11 porte sur l’approbatio­n ou pas d’un projet de loi. Pour autant, reconnaîtr­e le vote blanc comme un suffrage « exprimé valable » répondrait à la demande de reconnaiss­ance des « gilets jaunes », selon Anne Jadot. Et ce référendum permettrai­t à Emmanuel Macron « de reprendre l’initiative » d’une séquence difficile depuis l’affaire Benalla, à défaut de changer de Premier ministre ou de dissoudre l’Assemblée, note le politologu­e et membre d’EELV Bastien François.

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