Var-Matin (Grand Toulon)

Au coeur d’une battue en Dracénie

- PIERRE PANCHOUT

Il n’est pas encore 8 h, le soleil darde seulement ses premiers rayons. Une dizaine de chasseurs de La Transianne est déjà réunie autour de leur cabanon au bord de la Nartuby. Guy Mondary, adhérent de la société de chasse et adjoint au maire, rappelle les consignes de

sécurité. « Avant la battue : signature du carnet de battue par chaque participan­t, déplacemen­t en véhicule arme déchargée dans un fourreau. Pendant la battue : je porte un gilet rouge-orangé, je panneaute l’enceinte chassée, je me signale à mes voisins et je détermine mon angle de 30 % (lire ci-dessous). Pas de tir en direction des habitation­s, routes, chemins publics et voies ferrées. J’attends le signal de début de battue pour charger mon arme, j’identifie formelleme­nt le gibier avant le tir, que j’effectue fichant (vers le sol Ndlr) .Jeneme déplace jamais de mon poste, même si j’ai tué ou blessé. Au signal de fin de battue, je décharge et range mon arme dans son étui. » Daniel Michelis, président de la société de chasse exhibe fièrement la liste d’émargement que l’associatio­n a mise en place : « Il y est écrit alcool interdit durant l’action de chasse, de 6 h 30 à 18 h» , indique-t-il. Chaque membre doit la signer avant la battue. « C’est important de le dire. On carbure au café nous ! »

Un petit kawa donc, et tout le monde grimpe dans l’un des nombreux 4x4 estampillé­s d’un macaron où figure un sanglier. Leur gibier favori.

« Tout le monde doit pouvoir profiter du milieu naturel »

Après un bref trajet, chacun se met à son poste, autour de la zone de chasse du jour. Jean-Pierre Campolo est chef de ligne. Il positionne

deux autres chasseurs à un point stratégiqu­e de fuite des sangliers et mime l’angle de sécurité de 30° avec ses bras. Non sans avoir pris le soin de positionne­r en évidence un panneau “battue en cours” en amont sur le chemin. Il se dirige alors vers son propre poste. «On ne charge la carabine qu’une fois en poste ou on casse le fusil quand on marche. Moi, j’ai une culasse rouge pour bien montrer aux éventuels passants que l’arme n’est pas chargée. » Puis, il se juche au sommet d’un muret en pierre sèche bordant l’allée. « Il faut faire en sorte que le tir soit fichant. Parfois, je mets quelques palettes. Ça suffit pour que la balle aille droit vers le sol », explique ce chasseur confirmé. « Le principal, c’est de ne pas se blesser. Le cochon, finalement on s’en fiche. » Un homme promenant son chien arrive. Jean-Pierre le salue, son

arme pointée vers le sol. « On met toujours les panneaux mais régulièrem­ent, des gens passent tout de même. Globalemen­t, ça se passe plutôt bien avec les riverains. D’ailleurs, souvent, ce sont eux qui nous interpelle­nt pour nous dire qu’ils ont vu des sangliers à tel ou tel endroit », s’amuse le chasseur. « D’autres détruisent nos miradors... c’est pourtant un objet sécuritair­e (l’angle du tir convergean­t vers le sol) », se désole Jean-Pierre. « Après... y’a des cons partout ! Moi, j’ai vu des chasseurs quitter leur poste et passer devant d’autres tireurs postés pour poursuivre le gibier », raconte-t-il. Un bruyant écho se transmet d’hommes en hommes (et femme) : «Lève!» . La battue est terminée. Jean-Pierre décharge aussitôt son arme et replace les balles dans leur cartouchiè­re, située sur la

crosse. « Comme ça, si j’en oublie une, ça se voit immédiatem­ent. J’ai déjà vu un collègue oublier une balle dans son fusil. Le coup est parti avec une secousse dans la voiture... Le risque zéro n’existe pas », avoue chef de ligne.

« Pas toujours à l’aise quand il y a une battue »

Mais comment réduire ce risque au maximum ? Les chasseurs ont

quelques idées : « Moi, je laisse le cochon ou le chevreuil s’approcher au maximum pour limiter le risque. Si je peux le tirer à bout portant, je le fais », explique Gerard

Garcia. « On essaie aussi d’installer

un maximum de miradors, parce que c’est le top niveau sécurité. »

Guy Mondary pense pour sa part que « les promeneurs et les chercheurs de champignon­s pourraient se doter de gilets orange », à l’instar des chasseurs, pour être plus

visibles. Jean-Pierre Campolo signale quant à lui avoir « déjà vu des associatio­ns de vététistes mettre des clochettes sur leur vélo afin qu’on les entende arriver». Pour le président Daniel Michelis, « ce qui est primordial, c’est d’organiser la chasse en bonne intelligen­ce avec les autres activités. Nous, on s’arrange avec les VTT à la bonne franquette. Avec les randonneur­s aussi on est en contact. Pareil avec les motocross ou encore les archers. » En revanche, difficile d’entendre parler d’une interdicti­on de chasse le dimanche. « Tout le monde doit pouvoir s’amuser et profiter du milieu naturel », souligne le président de La Transianne.

« Les chasseurs qui travaillen­t la semaine ont le droit de profiter, eux aussi, de leur week-end. » Naturellem­ent, tout le monde n’est pas de cet avis.

Jean-Louis Bourdais, résidant de Trans qui croisait le chemin des chasseurs un peu plus tôt alors qu’il promenait son chien, voudrait voir « une interdicti­on de chasser le dimanche et le mercredi»,

qui sont pour lui deux jours dédiés à la famille et, notamment,

aux enfants. «Parfois, je ne vois aucun panneau annonçant la battue, ou alors leurs chiens se bagarrent avec le mien. Je ne suis pas contre la chasse, mais je dois dire que je ne me sens pas toujours à l’aise quand il y a une battue. » Et alors que 84 % des Français jugent la chasse dangereuse et 82 % réclament une interdicti­on non seulement le dimanche mais également un second jour(1) : le malaise est partagé par une grande partie de la population. 1. Sondage Ipsos pour One Voice du 11 octobre 2018.

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(Photos D. Meiffret et Ph. Arnassan) Le partage de la forêt n’est pas toujours chose aisée.

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