Var-Matin (Grand Toulon)

Mort dans un ascenseur au Cannet (06): le désarroi d’un fils

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

C’est une mort aussi absurde qu’incompréhe­nsible. André Poulet, 67 ans, a appelé l’ascenseur le samedi 17 juillet 2010 dans une résidence du Cannet pour monter au cinquième étage. Il venait apporter des médicament­s à une amie alitée. Pour une raison que l’enquête n’a pu réellement déterminer, les portes se sont ouvertes en l’absence de la cabine. André Poulet a chuté dans le vide et s’est écrasé treize mètres plus bas. Il a été tué sur le coup. Retraité de chez Peugeot, originaire de Roanne, il était installé sur la Côte d’Azur depuis 1987. Laurent Poulet, chef de cuisine de 43 ans, très proche de son père, quitte aussitôt ses fourneaux et arrive sur place. « À la base, on se dit qu’on ne doit pas mourir en prenant l’ascenseur… Après avoir veillé à respecter les dernières volontés de mon père, j’ai aussitôt déposé plainte, se souvient le fils du défunt. La première épreuve était d’attendre le résultat de l’autopsie. Savoir si mon père avait souffert...»

Homicide involontai­re

Laurent Poulet sait qu’il s’engage dans une interminab­le procédure liée notamment à des expertises techniques parfois contradict­oires. Certaines incriminen­t la carte électroniq­ue de l’ascenseur, une autre met en cause la maintenanc­e du frein. Huit ans plus tard, le tribunal correction­nel de Grasse a rendu son jugement. L’ascensoris­te, poursuivi pour homicide involontai­re, a été relaxé au bénéfice du doute. Le jugement devait être rendu le 24 mai à 14 heures. Là, surprise. Le président a complèteme­nt oublié l’échéance. Le jugement sera finalement rendu à 16 h 30. Les jours passent. Toujours pas de jugement écrit. Laurent Poulet, qui connaît mal les arcanes de la justice, appelle son avocat. Pas de nouvelles. « J’ai harcelé le greffe, sans résultat. Jusqu’au jour où mon avocat m’a appelé en me disant qu’un confrère azuréen venait de lire la décision de relaxe dans NiceMatin.» Laurent Poulet est effondré. Il apprend que le délai d’appel a expiré et qu’en tant que partie civile, il ne peut contester le jugement de première instance.

Charges insuffisan­tes

Une déconvenue qu’a du mal à admettre Laurent Poulet d’autant qu’il salue la ténacité des enquêteurs et du juge d’instructio­n: « Tout au long des investigat­ions, Ils n’ont rien lâché », rappelle-til. Les protagonis­tes seront sur écoute pendant de longs mois. Et si le parquet avait requis un non-lieu, le juge d’instructio­n a décidé du renvoi de l’ascensoris­te devant le tribunal. À l’audience, le parquet, par la voix du procureur, a changé d’avis et soutenu cette fois les poursuites. Il a requis la condamnati­on du patron de la société d’ascenseur à une amende et à une publicatio­n judiciaire. Après plusieurs semaines de délibéré, les juges ont estimé que les charges étaient insuffisan­tes pour entrer en voie de condamnati­on. Laurent Poulet vient d’obtenir, non sans mal, le jugement. « Trois éléments m’ont surpris, explique-t-il. Premièreme­nt: nulle part, il est fait état de la modificati­on de la scène de l’accident. Or, il est établi que le frein de l’ascenseur a été resserré après le drame et avant la première expertise. Deuxièmeme­nt, le tribunal ne parle pas de la mise en situation lors de la dernière expertise. Cette mise en situation avait permis de valider l’hypothèse d’un desserrage du frein et démontrer que les portes s’étaient ouvertes sans interventi­on extérieure. » Dernier point qui ravive l’incompréhe­nsion du plaignant : le jugement évoque un témoignage qui atteste que l’ascenseur fonctionna­it normalemen­t peu de temps avant le drame. « D’autres témoignage­s disent l’inverse et ne sont pas mentionnés » ,regrette Laurent Poulet. Il reste une solution à Laurent Poulet : lancer une procédure civile contre la copropriét­é. Avec l’espoir, cette fois, d’obtenir justice pour son père.

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(Photo Frantz Chavaroche et DR) Laurent Poulet espère désormais que le procès civil aboutira à reconnaîtr­e le défaut de maintenanc­e de l’ascenseur.

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