Var-Matin (Grand Toulon)

La Favorite : trois femmes puissantes

- PHILIPPE DUPUY

L’histoire

Début du XVIIIe siècle. L’Angleterre et la France sont en guerre. Toutefois, à la cour, la mode est aux courses de canards et à la dégustatio­n d’ananas. La reine Anne (Olivia Colman), à la santé fragile et au caractère instable, occupe le trône tandis que son amie d’enfance, Lady Sarah (Rachel Weitz), gouverne le pays à sa place. Lorsqu’une nouvelle venue, Abigail Hill (Emma Stone) arrive à la cour, Lady Sarah la prend sous son aile, pensant qu’elle pourrait être une alliée. Abigail, qui a connu un revers de fortune, va y voir l’opportunit­é de renouer avec ses racines aristocrat­iques. Alors que les enjeux politiques de la guerre absorbent Sarah, Abigail parvient à gagner la confiance de la reine et devient sa nouvelle confidente. Cette position donne à la jeune femme l’occasion de satisfaire ses ambitions, et elle ne laissera ni homme, ni femme, ni politique, ni même un lapin, se mettre en travers de son chemin...

Notre avis

Découvert à Cannes avec Canine (prix Un Certain Regard 2009), confirmé avec The Lobster (prix du jury 2015), Yórgos Lánthimos avait déçu en 2017 avec le grandiloqu­ent Mise à mort du cerf sacré, qui reçut tout de même le prix du scénario. Dommage qu’il ait préféré présenter La Favorite à Venise : peut-être aurait-il décroché la Palme cette fois ? C’est son meilleur film à ce jour. On y retrouve tout ce qui fait l’essence de son cinéma, porté au pinacle : un véritable chef-d’oeuvre. Sorte de Barry Lyndon au féminin, sa Favorite a le doux visage d’Emma Stone (décidément parfaite dans tous les registres) lorsqu’elle vient mendier un emploi à la cour auprès de sa cousine, la toute-puissante Lady Sarah (Rachel Weitz, également formidable). Elle ne tardera pas à dévoiler une âme plus noire que ses tenues de soubrette, et à mettre la reine (Olivia Colman, promise à l’Oscar) dans sa poche. Ou plutôt dans son lit ! Entre ces trois femmes puissantes, qui éclipsent toute la gent (plus ou moins) masculine de la cour, c’est un véritable jeu de massacre qu’organise le réalisateu­r grec. À coups de focales déformante­s, de plans surréalist­es et de dialogues assassins ( «Allons tuer quelque chose ! » lance Lady Sarah lorsqu’elle s’ennuie), Lánthimos dynamite le film en costumes et décrit les jeux de pouvoirs, avec une cruauté et une maestria qui laissent pantois. Politique et féministe, premier grand film de 2019, La Favorite est en tête des nomination­s pour les Oscars. Yórgos Lánthimos sera « le favori » pour celui du meilleur réalisateu­r.

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