Var-Matin (Grand Toulon)

À LA SEYNE, LA TOUR GERMINAL FERMÉE DÈS VENDREDI ?

Cible d’un feu malveillan­t lundi, la Maison des services publics du quartier Berthe ne pourra rouvrir avant un mois. Sous le regard de bandes de dealers, installés eux à demeure

- SO. B. sbonnin@varmatin.com

L’incendie visant la Maison des services publics pourrait être le coup de trop. Le coup de grâce pour la tour du Gère, ex-Germinal A. La mairie va demander l’expulsion des derniers locataires, afin de murer la tristement célèbre tour de Berthe, haut lieu du trafic de drogue.

Bonjour, j’avais besoin d’un papier que l’assistante sociale m’a dit de venir chercher… Je vais où ? » Hier matin, sur le parking devant la Maison des services publics de La Seyne, les questions affluent. Comme les usagers. Jacqueline et Jacques avaient rendez-vous avec un notaire pour se renseigner sur les succession­s. « Vous n’imaginez pas le nombre de personnes attendues toute la semaine, » explique une salariée qui improvise des solutions. Ellemême n’a « plus accès à [son] ordinateur, ni à [ses] numéros ». Tôt lundi matin, la Maison des services publics a subi un incendie mis volontaire­ment à l’aide de containers à poubelles embrasés, poussés devant sa porte. S’il n’a brûlé que le hall d’entrée, le feu a souillé de suies et de fumées noires plus de 800 m² de bureaux (notre édition d’hier).

« Ça ? C’est une indignité totale »

Liliana et Juan-Carlos devaient rencontrer ici le défenseur des Droits, pour un problème récurrent de chauffage dans un logement social. « C’est un habitat indigne. Pourquoi est-ce qu’on n’aurait pas le droit d’être chauffé chez soi ? » « Donnez-moi vos coordonnée­s. Il y a la solution d’aller à la Maison de justice et du droit de Toulon. » La salariée sourit tristement. « Eux, ils vont être surbookés. Moi je suis au chômage technique .» Juan-Carlos se tourne vers les murs brûlés : « Ça ? C’est une indignité totale. S’il y avait des personnels de surveillan­ce, cela n’aurait pas pu arriver. » Et le Seynois de suggérer directemen­t : « Il faudrait mettre un bureau, ici, là, sur le parking ! » Justement, une femme arrive, une enveloppe pour la Caf en main. « Je peux vous la donner ?»

Côté face, des odeurs de cannabis

Côté pile, des usagers des services publics. Côté face, des bandes de jeunes, joggings et capuches, qui ne lâchent pas le terrain. Les petits groupes se forment et se recomposen­t en permanence. Juste au bout du parking. Des odeurs de cannabis flottent de-ci de-là. Adossée à la Maison des services publics, se dresse cette tour qui mérite son surnom d’infernale. Tour du Gère, ex-Germinal A4, point de focalisati­on du trafic de drogue. Et des regards. Ce vendredi, annonce la mairie, les derniers locataires encore présents seront sommés de partir (lire ci-contre). Dans le quartier, peu ont espoir de tirer au clair l’origine de l’incendie. Et surtout d’en comprendre les ressorts. Parmi les jeunes qui traînent à proximité, certains finissent par lâcher des bribes de réponse. « Mettre le feu ici ? Nooon Madame ! C’est pas possible. Ma mère vient à la Caf », ironise un premier. Un habitué du quartier se demande si les opérations de police, plus répressive­s, plus fréquentes, n’auraient pas suscité « une mesure de rétorsion contre la pression policière ». Un habitant avance la théorie de bandes rivales. « Il y a eu des coups de feu dans la cité, vendredi. » Et samedi aussi. Mais ce n’était pas dans ce coin-là. Alors, la faute à des rivalités entre bandes ? « Oui, c’est ça, c’est des mecs qui sont venus , répond un autre jeune, désignant du menton un vague ailleurs, au-delà des immeubles. Nous, à 5 h du matin, on n’est pas là. Lundi matin, on n’y était pas .» Autour, la bande s’agite un peu. Ça circule entre les bâtiments,

comme le joint sur lequel on tire à

plusieurs. « S’il y a une guerre des gangs, qu’est-ce que la Maison des services vient faire là-dedans », s’interroge-t-on, incrédule.

Un mois de travaux

Mais ce voisinage pèse et excède certains intervenan­ts de la Maison des services publics. « Des associatio­ns sont venues récupérer leur matériel, mais certaines ne

sont pas sûres de revenir », constate, amère, Michèle Rignault-Laporte, directrice de la plateforme. Directemen­t, elle emploie huit salariés et organise les permanence­s de 40 intervenan­ts, dont des assistante­s sociales, la protection maternelle infantile… L’an passé, 68 000 personnes ont été accueillie­s, suivies, conseillée­s. Mauvaise nouvelle, les travaux seront plus longs que prévu. Un mois au bas mot. Déjà, « la décontamin­ation prendra quinze jours, à cinq personnes », annonce la directrice. Puis, il y aura les travaux de remise en état. « La survie de ce lieu est vraiment en jeu. » Après trente ans d’existence. Et de combat.

‘‘ Mettre le feu ? Nooon ! Ma mère vient à la Caf ”

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 ?? (Photos Dominique Leriche) ?? Hier matin, beaucoup de questions restaient posées devant la Maison des services publics de La Seyne, contrainte à la fermeture à la suite de l’incendie de lundi matin.
(Photos Dominique Leriche) Hier matin, beaucoup de questions restaient posées devant la Maison des services publics de La Seyne, contrainte à la fermeture à la suite de l’incendie de lundi matin.
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Décontamin­ation et remise en état seront plus longs que prévu.

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