Les implants mammaires texturés sur la sellette
Faut-il interdire le type d’implants mammaires le plus utilisé en France, soupçonné de favoriser une forme rare de cancer ? Un groupe d’expertes se penche sur cette question lourde de conséquences pour le secteur, au moment où plusieurs plaintes sont déposées contre X. Associations de patientes, chirurgiens esthétiques, représentants des fabricants de prothèses et d’autorités sanitaires étrangères se succéderont jusqu’à vendredi midi devant ce comité, mis en place par l’Agence du médicament (ANSM) pour faire le point sur la dangerosité des implants mammaires dits « texturés ».
Cinquante-six cas de lymphomes
Depuis 2011, cinquante-six cas de lymphomes anaplasiques à grandes cellules (LAGC) ont été recensés chez des femmes porteuses d’implants mammaires. Trois en sont décédées. Par rapport aux 500 000 femmes porteuses d’implants en France, cette maladie « reste extrêmement rare mais compte tenu de l’augmentation du nombre de cas, nous avons décidé de réunir toutes les parties prenantes pour faire un état des lieux », a expliqué Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale adjointe de l’ANSM, en ouverture des auditions. La quasi-totalité des patientes touchées par ce lymphome rare et agressif étaient porteuses d’implants « à surface d’enveloppe texturée » (c’est-à-dire que la pellicule entourant le silicone est rugueuse, par opposition aux implants à enveloppe lisse ou en polyuréthane). Ces implants sont privilégiés en France (83 % du marché) car présentés comme entraînant moins de risque de déplacement ou de rétractation des tissus autour de la prothèse (coque). De ce fait, ils « réduisent le besoin de reprises chirurgicales et les risques associés », a fait valoir devant le comité la représentante du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem), organisation des fabricants de dispositifs médicaux. Mais cette rugosité pourrait aussi favoriser l’apparition des lésions cancéreuses. « On peut penser que (dans) ce lymphome (...) interviennent des phénomènes d’inflammation chronique », du fait des frottements de la prothèse « au contact des tissus de la patiente », a ainsi expliqué le Pr Philippe Gaulard, coordinateur du réseau Lymphopath, des pathologistes experts qui confirment les diagnostics de lymphomes. Le comité, présidé par Muriel Salle, historienne spécialiste de la santé des femmes, se prononcera d’ici quelques jours, en indiquant notamment s’il y a des situations dans lesquelles l’utilisation des implants texturés « reste indispensable », tant en chirurgie esthétique qu’en chirurgie reconstructrice, après l’ablation d’un sein. L’ANSM tranchera l’avenir de ces prothèses – interdiction, restriction à certaines indications précises ou renforcement de l’information sur les risques – dans les semaines suivant cet avis. Il faut « identifier toutes les actions possibles pour réduire les risques », a souligné Thierry Thomas, directeur adjoint chargé des dispositifs médicaux à l’ANSM devant le comité, qui réunit des médecins, une psychologue, une responsable d’association de femmes atteintes de cancer du sein et l’auteure d’un blog de victimes des prothèses PIP.
Plaintes contre l’américain Allergan
Par précaution, l’ANSM avait recommandé fin novembre aux professionnels d’utiliser de préférence des implants à enveloppe lisse. Mercredi et jeudi, trois femmes portant des implants du fabricant américain Allergan, l’un des principaux acteurs de ce segment de marché, ont déposé plainte contre X, à Paris et Marseille, pour « mise en danger délibérée de la vie d’autrui ». Leurs avocats font notamment valoir que «dès 2015, il y a eu des doutes sérieux sur ces implants ».