Laissez parler les p’tits papiers d’agrumes
Nicole Lucchini a repris la collection de papiers d’emballage d’agrumes de sa soeur. Ils forment un échantillon chamarré qu’on devrait retrouver au musée de la Banque
Puisque la langue française confère un idiome à chaque collection inimaginable, quitte à en extraire toute poésie, nous parlerons ici de légufrulabelophilie. La passion de Nicole pour les emballages de conservation d’agrumes fait d’elle, plus simplement, une agrumiste. On ne l’aurait pas parié, mais ce dada concentre une somme de férus qui conversent et négocient sur Internet. Les 13e Rencontres légufrufolies auront même lieu les 30 et 31 mars à Niort. Forte d’une collection de 400 pièces, Nicole Lucchini, ex-professeur de français au collège des Rougières, attribue à ces témoignages du passé une dimension sentimentale. Elle a repris la collection de sa soeur Yvette à son décès en 2005. « Je continue cette collection par héritage », dit-elle en présentant ses petits papiers.
Picasso et Cocteau les collectionnaient
Les papiers d’agrumes servaient surtout à protéger les oranges (le seul agrume qui doit être cueilli mûr) pendant le transport. Fabriqués en papier de soie ou papier paraffiné, très léger, ils renseignaient sur l’origine de la culture du fruit : Maghreb, Italie, Espagne, Floride, mais aussi Chypre, Amérique du Sud, Afrique du Sud, ils sont une incitation au voyage dans les pays du soleil. Comme pour les timbres, certains collectionneurs se concentrent sur les thématiques exprimées sur le papier : animaux, oiseaux, motifs, lettres. « Regardez ce dessin qui rappelle des armoiries, ce serait intéressant de savoir d’où vient ce papier ! », avoue Nicole en saisissant une feuille. Apparus à la fin du XIXe siècle, tant en Europe qu’au Japon, les papiers d’agrumes ont atteint leur âge d’or entre 1920 et 1940, puis à nouveau à partir 1950 et jusque dans les années 198090. L’apparition de la cire et du traitement de l’écorce aux fongicides en sonne ensuite le glas. Les papiers légers sont devenus une denrée rare qu’on ne retrouve plus guère que dans les épiceries de luxe. « Une particularité de ces papiers, c’est qu’ils ne sont ni datés, ni signés. Et deux des collectionneurs les plus connus étaient Cocteau et Picasso, reprend Nicole Lucchini. J’aime beaucoup l’art populaire. Ce que les gens de peu peuvent collectionner. Je trouve ça poétique. »