Var-Matin (Grand Toulon)

Inflammabl­e

- de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Jusqu’où ? Jusqu’où peut aller la tension sans précédent qui s’est installée entre la France et l’Italie ? Il y a dans cette situation des raisons conjonctur­elles, liées notamment aux évolutions politiques à l’intérieur de chacun des deux pays. Côté italien, c’est le rapport de force entre les deux alliés au sein du gouverneme­nt de Giuseppe Conte – d’une part, le mouvement populiste  étoiles (MS) de Luigi di Maio ; d’autre part, la Ligue de Matteo Salvini, classée à l’extrême droite, les deux hommes étant chacun viceprésid­ent du Conseil – qui, aujourd’hui, se joue. Le mouvement  étoiles, qui avait pris l’avantage dans les urnes en mars , s’est, peu à peu, laissé damer le pion par le tonitruant Salvini, ministre de l’Intérieur. L’élection régionale dans les Abruzzes, ce dimanche, ne peut d’ailleurs qu’attiser les rivalités entre les deux formations. Elle consacre la percée de la Ligue qui arrive en tête avec  % des voix (contre  % il y a un an !) alors que MS ( %) perd la moitié de ses suffrages. Cette rivalité éclaire la crise diplomatiq­ue avec notre pays, chacun en Italie jouant plus ou moins la surenchère pour gagner du terrain. Le résultat de dimanche risque de ce point de vue de ne pas arranger les choses même s’il peut remettre en question l’alliance des deux partis. Côté français, la crise des « gilets jaunes » est devenue un handicap tout comme, d’ailleurs, notre non-respect des règles budgétaire­s européenne­s. La France y perd de son autorité en Europe et les pays qu’elle a pu critiquer sont bien décidés à en profiter. L’Italie a sonné la charge pour trois raisons : d’abord, parce que Paris lui a donné, il y a quelques semaines, des leçons budgétaire­s ; ensuite, parce que la question migratoire oppose les deux pays depuis fort longtemps ; enfin, parce qu’Emmanuel Macron a fait des gouverneme­nts européens populistes sa cible prioritair­e. Au-delà de ce constat, cette crise est aussi le symptôme d’un mal européen préoccupan­t. Qui aurait pu imaginer que ces deux nations fondatrice­s de l’Union européenne (UE) s’opposent un jour avec tant de virulence ? Cette querelle s’inscrit en fait dans un mouvement de désagrégat­ion de l’Union que la campagne des européenne­s pourrait amplifier. Emmanuel Macron a choisi d’être, dans ce scrutin, le rempart contre les dérives qui éloignent plusieurs Etats des principes de l’UE. La sagesse serait certes de calmer le jeu entre deux pays si proches, aux économies étroitemen­t liées, mais les temps électoraux n’y sont guère favorables et le résultat du scrutin des Abruzzes peut, hélas ! donner des ailes à une extrême droite italienne qui voit ses choix confortés.

« Qui aurait pu imaginer que ces deux nations fondatrice­s de l’Union européenne [la France

et l’Italie] s’opposent un jour avec tant de virulence ? »

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France