Var-Matin (Grand Toulon)

La tête dans sa cuisine mais les pieds sur terre

Alors que l’émission Top Chef vient de souffler sa dixième bougie, Virginie Martinetti, ancienne participan­te et chef de La Pescalune, nous confie tout ce qu’elle en a retiré... ou pas

- CARINE BEKKACHE cbekkache@nicematin.fr

Juste des petits boulots, par-ci par-là, pour rembourser mon prêt étudiant. Rien de plus. » Voilà ce que s’est dit la belle Virginie Martinetti en enfilant son premier tablier de cuisine, il y a vingttrois ans. « Je venais de souffler ma dix-huitième bougie, confie la jeune femme. Étudiante en histoire-géographie à la faculté de Nice, je me voyais plus en tailleur, portant un attaché-case à la main, qu’avec un tablier et une toque sur la tête. » Même si… « Le monde de la restaurati­on m’a toujours attiré, c’est vrai, concède-t-elle. Seulement je ne pensais pas en faire mon métier. » Jusqu’au jour où… « Où j’ai réalisé que c’était là que se trouvait mon épanouisse­ment personnel. » Elle sourit et rabat délicateme­nt sa mèche derrière l’oreille. « Du yacht cannois au restaurant familial corse, en passant par des cuisines danoises, anglaises et asiatiques… Je profitais de mes périodes de vacances pour aller découvrir d’autres univers culinaires, d’autres façons de faire. » Et, d’entrée, Virginie adopte la bonne attitude. « J’observais beaucoup, je posais des questions et faisais en sorte qu’on ne me répète jamais deux fois la même chose. »

« La fausse notoriété, ce n’était pas pour moi »

Déterminée, la jeune autodidact­e trace ainsi sa route, avant d’arriver, à l’aube de sa trentième année, à un carrefour décisif… « Je cherchais à me poser du côté de Bargemon, où j’habite depuis un petit moment. Un jour, en me promenant, j’ai aperçu un papier A4 sur la devanture du fleuriste du village, signalant que les murs étaient à vendre. » Virginie n’hésite pas une seconde et, quelques mois plus tard, donne naissance à son premier bébé : le restaurant “La Pescalune”. « Je l’ai baptisé ainsi car, petite, mon grand-père me donnait ce surnom, en référence à la légende des pêcheurs de lune de Lunel, ma ville natale. Et comme pour tout ce que je fais, je suis partie à fond dedans. J’y ai consacré tout mon temps. Chaque hiver, je réinvestis­sais les quatre sous que je gagnais le reste de l’année pour améliorer mon matériel. » Reconnue par sa clientèle, mais perfection­niste, la jeune femme aspire très vite à gravir les échelons… « Je ne cherchais pas la notoriété. Ce que je voulais, moi, c’est rencontrer des chefs. Pour progresser et savoir si j’étais dans le vrai. Je me suis donc constitué un “dossier de presse” que j’ai envoyé à tous les guides gastronomi­ques du pays. » Puis, un jour, Virginie reçoit un coup de téléphone. Qui n’est pas celui qu’elle attend… Elle éclate de rire. « Qui avais-je au bout du fil ? La production de Top Chef ! Ils m’ont proposé de participer au casting… et j’ai refusé. » La Bargemonai­se raccroche alors. Sans regrets. Deux semaines plus tard, le téléphone sonne à nouveau. « Ils ont insisté et, cette fois, j’ai pris le temps de la réflexion. Je me suis dit : après tout, tu es une compétitri­ce. Ce sera l’occasion de voir jusqu’où tu peux aller et, même si tu échoues, tu en sortiras grandie… » Aujourd’hui, six ans plus tard, que retire Virginie de ces neuf semaines de compétitio­n, passées sous les caméras de M6 ? Les portes se sont-elles réellement ouvertes ? La jeune femme hésite. « Bien qu’étant partie juste avant la finale, j’ai tout de même terminé sixième sur seize candidats. Ce n’était pas si mal. Et encore mieux, cette aventure m’a apporté ce que je recherchai­s : être reconnue par les grands chefs. Avec, bien sûr, ma petite place dans les guides ! [rires] » Mais, car il y a un “mais”… « Disons que je ne m’attendais pas à être aussi exposée. Du moins, je n’y étais pas préparée. Cette fausse notoriété, ce n’était pas pour moi. » Consciente de pouvoir paraître paradoxale dans ses propos, Virginie ajoute : « J’ai peut-être été un peu naïve. Les semaines et les mois qui ont suivi ma participat­ion à l’émission, j’ai été envahie par les coups de fil et les venues au restaurant. De nature un peu sauvage, ça n’a pas été facile pour moi. Non pas que je me plaigne de travailler, non. Mais certains sont venus m’apprendre mon métier… Je me suis souvent sentie jugée, à chacune de leurs bouchées. Je suis même devenue une vitrine, un produit marketing pour les fournisseu­rs, qui souhaitaie­nt à tout prix me refourguer leurs produits. Alors qu’au fond, je voulais juste reprendre ma vie là où je l’avais laissée. » Et si c’était à refaire ? « Je pense que je le referais, car j’avais besoin de me prouver que je pouvais trouver ma place parmi les chefs. Mais avec davantage de préparatio­n. Je ne me laisserai pas jeter dans le grand bain médiatique comme ça. » Elle soupire. « Cette aventure peut s’avérer très dangereuse si on ne garde pas les pieds sur terre. Il ne faut jamais se perdre soi-même car tout finit par dégonfler », dixit la sémillante Virginie, qui n’a jamais quitté d’un orteil la terre ferme. « Je ne me suis pas enflammée sur les tarifs et, surtout, j’ai continué à privilégie­r mes clients les plus fidèles. Quitte à refuser du monde. Au final, Top Chef, ce n’est pas un concours gastronomi­que. C’est de la télé. Mais les personnes qui me font vivre, elles, sont bien réelles. Et sans elles, je ne suis rien. » Là est le principal enseigneme­nt que Virginie retient de son aventure télévisuel­le…

Top Chef, cela reste de la télé. J’ai veillé à ne jamais m’y perdre”

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(Photo Dylan Meiffret) « Cette aventure peut s’avérer très dangereuse si on ne garde pas les pieds sur terre, observe Virginie. Il ne faut jamais se perdre soimême car tout finit par dégonfler. »

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