Var-Matin (Grand Toulon)

Mort subite : soyons des héros ordinaires

Gérard, 53 ans, été sauvé grâce à l’interventi­on de deux témoins, dont un adolescent de 15 ans. Le projet de loi contre la mort subite vise à sensibilis­er aux gestes qui sauvent

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Dimanche 6 novembre 2016 à 11 h 30, un homme s’effondre face contre terre. Son coeur ne bat plus. Il est mort. Mercredi 13 février à 17 h 30, nous retrouvons cet homme à l’institut Arnault-Tzanck. Il est souriant, joyeux. Il est vivant. Aucun miracle. Juste une série d’actions coordonnée­s qui ont permis que Gérard, deux ans après avoir été victime de mort subite, continue de régaler sa famille, ses trois enfants, ses amis, de sa bonne humeur et de son sourire généreux. Le Cagnois aujourd’hui âgé de 53 ans ne conserve aucun souvenir de ce 6 novembre ni des jours qui ont suivi. Ce qu’il va nous raconter, ce sont ses amis, présents à ses côtés ce jour-là, qui le lui ont rapporté. « Nous étions une dizaine à courir entre Marina Baie des anges et La Siesta. Le dernier entraîneme­nt avant notre participat­ion au marathon Nice-Cannes programmé une semaine plus tard. Et puis brusquemen­t, je me suis écroulé. Sans aucun signe précurseur. Je me suis relevé, ai parcouru deux mètres, avant de chuter à nouveau. » Mais, là, le quinquagén­aire ne va plus se relever. Ses amis se précipiten­t, ils ont du mal à comprendre ce qu’il se passe. Gérard est un grand sportif, mène une vie très saine, ne fume pas, n’accuse pas de surpoids… « Ils ont essayé de me réveiller, n’y sont pas parvenus… Je n’avais plus de pouls. » Gérard est victime d’une mort subite. Son coeur ne bat plus. Les secondes, les minutes qui vont suivre sont déterminan­tes. Ses amis sont un peu paniqués : pas de défibrilla­teur à proximité ; certains ont suivi une formation de secouriste il y a plusieurs années, mais ils sont tétanisés à l’idée de mal faire et de nuire à leur ami. Une réaction fréquente, que déplorent les spécialist­es du secours (lire interview page ci-contre). Près de trois minutes se sont écoulées quand un cycliste s’arrête pour proposer son aide. Il est médecin généralist­e à Cagnes-sur-Mer, et saisit aussitôt la gravité de la situation. Il entame un massage cardiaque. Très vite, un jeune passant de 15 ans lui propose de le relayer. Dans son malheur, Gérard a de la chance : l’adolescent est pompier volontaire.

Vingt minutes de massage

Pendant plus de 20 minutes, les deux hommes n’interrompr­ont pas une seconde leurs efforts ; tous deux savent ce massage cardiaque essentiel pour maintenir oxygéné le cerveau de Gérard. Lorsque les pompiers arrivent (ils ont été immédiatem­ent appelés par ses amis), c’est le soulagemen­t. Ils vont faire usage de leur défibrilla­teur. Le coeur de Gérard repart. Il est en vie. Son coeur a arrêté de battre pendant environ trois minutes. C’est suffisamme­nt court pour garder l’espoir qu’il n’aura pas de séquelles neurologiq­ues. « Au-delà de 4 à 5 minutes, le match aurait été malheureus­ement perdu, les dégâts cérébraux irréversib­les », rappelle le Dr Claude Mariottini, cardiologu­e interventi­onnel et rythmologu­e à l’Institut Arnault-Tzanck de Saint-Laurent-du-Var. D’astreinte ce dimanche 6 novembre, le spécialist­e, alerté par les secours, arrivera très vite à l’institut, où Gérard va être conduit quelques minutes plus tard (lire encadré ci-contre). Aussitôt après avoir posé le diagnostic d’infarctus, il va déboucher deux des trois artères coronaires bouchées. Au cours de la même interventi­on.

Il reprend conscience  heures plus tard

Un travail d’orfèvre et un coeur qui va reprendre ses couleurs, enfin oxygéné. Gérard, lui, ne reprendra conscience que 72 heures plus tard. Sonné, mais heureux. Un bonheur qu’il partagera avec le cardiologu­e, lorsqu’un mois plus tard, il se présentera pour une ultime interventi­on destinée à déboucher sa 3e artère coronaire. Il pourra alors exprimer toute sa reconnaiss­ance au Dr Mariottini, qu’il considère comme son héros (comme il nomme aussi les cyclistes qui ont réalisé le massage cardiaque). Les deux hommes sympathise­nt, le Dr Mariottini parle à Gérard de l’associatio­n « 20 000 vies » (1), qu’il a créée dans le but de promouvoir la diffusion des défibrilla­teurs en France, insuffisan­ts en nombre, et de sensibilis­er la population aux gestes d’urgence. Ce jour-là, Gérard se dit qu’il doit faire quelque chose. Ce quelque chose, ce sera une course, avec pour défi de récolter, à chaque kilomètre de parcours, 5 euros au bénéfice de l’associatio­n. Autorisé à reprendre le sport, en respectant quelques consignes, il réalisera son projet. Et parviendra à réunir la somme de 1 000 euros nécessaire­s à l’achat d’un défibrilla­teur. Ce jour où nous le retrouvons, il remet symbolique­ment le dispositif au Dr Mariottini. Les deux hommes en conviennen­t : Gérard a eu de la chance. De bout en bout, il a bénéficié d’une prise en charge sans faille : les secours, comme les soins, ont été des plus performant­s. Tout le monde n’a pas cette chance aujourd’hui en France. 1. www.20000-vies.com

 ?? (Photo N. C. et DR) ?? Rétabli, Gérard a organisé une course qui lui a permis de récolter la somme nécessaire à l’achat d’un défibrilla­teur par l’associatio­n «   vies », fondée par le Dr Claude Mariottini.
(Photo N. C. et DR) Rétabli, Gérard a organisé une course qui lui a permis de récolter la somme nécessaire à l’achat d’un défibrilla­teur par l’associatio­n «   vies », fondée par le Dr Claude Mariottini.

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