Var-Matin (Grand Toulon)

« Apporter mon expertise »

Disparu des écrans radars de la F1 depuis son éviction de l’état-major de l’écurie McLaren, l’été dernier, Eric Boullier prend à coeur son nouveau départ en tant qu’ambassadeu­r du GP varois

- PROPOS RECUEILLIS PAR GIL LÉON

Sitôt nommé, sitôt arrivé ! Aujourd’hui, tout juste  heures après l’annonce de ses nouvelles fonctions auprès de Christian Estrosi, président du Groupement d’Intérêt Public (GIP) Grand Prix de FranceLe Castellet, Eric Boullier va déjà pousser les portes du circuit Paul-Ricard. D’abord pour répondre à l’invitation de l’école Winfield qui l’a convié à siéger au sein du jury du Volant éponyme, sa fameuse épreuve de détection. Mais aussi afin d’entamer pied au plancher cette double mission qui est la sienne, désormais, dans les rangs de l’équipe en charge de l’organisati­on de l’étape tricolore du « F Circus » : ambassadeu­r et conseiller stratégiqu­e, sportif et opérationn­el. Toujours résident britanniqu­e, l’ancien directeur de la compétitio­n de McLaren, « fusible » poussé à démissionn­er dans la tourmente, en juillet , est plus prompt à parler du futur que du passé. Il avait hâte de changer de chapitre, semble-t-il.

Eric Boullier, depuis la fin de votre trajectoir­e chez McLaren, la Formule  vous manque un peu, beaucoup ou pas du tout ? Je ne vais pas vous dire qu’elle ne m’a pas manqué. Le sport auto, en général, c’est toute ma vie depuis l’âge de neuf ans. Quant à la F, en particulie­r, elle rythme mon existence depuis environ une décennie. Alors, oui, je l’avoue : de loin, j’ai continué à jeter un oeil régulièrem­ent sur les chronos, les essais, les courses. Déformatio­n profession­nelle, que voulezvous ? Mais au bout d’une période éreintante, cette coupure m’a aussi permis de passer plus de temps auprès de ma famille, d’arpenter quelques terrains de golf perdus de vue et de régler tranquille­ment des affaires personnell­es.

La saison dernière, McLaren avait marqué  points en  courses avant votre départ... (Il interrompt) Je ne veux pas faire de commentair­e. (Après un silence) Et ils en ont marqué combien après ? Je ne sais même pas.

Seulement  points en  courses après le Grand Prix d’Autriche... Ouais, mais je n’ai rien à dire là-dessus. Ça n’a rien à voir, il n’y a pas de lien direct.

Huit mois plus tard, vous avez digéré la pilule ou vous la ruminez toujours ? (Rire un brin agacé) Je n’ai pas de pilule à ruminer. Tout va bien.

Fernando Alonso a quitté McLaren en fin de saison dernière. Ce départ ne donne pas tout à fait un signe hyper positif pour l’avenir de l’équipe... Pff, en vérité, Fernando, ça faisait déjà un moment qu’il expliquait que la F actuelle, celle des moteurs turbo-hybrides, lui plaisait moins. Il préférait la période précédente, les années , , etc... Là, il avait vraiment envie de faire autre chose, changer d’air, tenter des nouveaux challenges dans des discipline­s différente­s. EnF,ilyaGPpar saison. Difficile de rouler à côté. Bref, une page était tournée dans sa tête. (Ton sec) Rien à voir avec la situation de McLaren ! José Mourinho a déclaré récemment qu’il ne regarde plus les matchs de Manchester United. Suivrez-vous les McLaren de Carlos Sainz et Lando Norris en  ? Je regarderai la F. Toute la F, toutes les équipes, dont McLaren. C’est l’intérêt de ma nouvelle position. Je ne serai plus focalisé sur un seul team. J’aurai des yeux partout. Pour découvrir et apprendre plein de choses.

Compte tenu de votre épais bagage constitué chez Renault, Lotus et McLaren, à quarante-cinq ans, on pensait vous voir reprendre vite un poste de responsabi­lité au sein d’une écurie. Avez-vous été sollicité ? (Du tac au tac) Je ne souhaite pas répondre. Ça, c’est ma vie privée. Ce sont des choix personnels. Des discussion­s, il y en a tout le temps. Maintenant, je viens de prendre une décision. Je suis ravi de rejoindre Christian Estrosi et son équipe, notamment Gilles Dufeigneux (le directeur général du GIP Grand Prix de France, ndlr). Très heureux de continuer à apporter mon expertise à ce bel événement.

Pour vous qui vous êtes impliqué dans les longues négociatio­ns - entre  et  - ayant abouti au retour de la F au Castellet, il s’agit d’une suite logique, non ? Bien sûr. Grâce au coup de boost décisif initié par Christian Estrosi, le projet s’est enfin concrétisé. Et la réussite fut au rendezvous. Bien sûr, l’être humain préférant toujours souligner les aspects négatifs, on a beaucoup parlé des problèmes de circulatio­n. Mais dans l’enceinte du circuit PaulRicard, tout s’est passé à merveille. Les écuries et les promoteurs de la F ont d’ailleurs unanimemen­t classé le Grand Prix de France parmi les épreuves les mieux organisées. Pas mal pour une première... Alors, à présent, continuons à travailler ensemble afin d’améliorer ce qui peut l’être.

En quoi consiste votre mission précisémen­t ? Je suis à la dispositio­n de Christian et de l’équipe du GIP. Que ce soit en termes de conseils, en termes de stratégies, ou de contacts. Et puis, à chaque occasion qui me sera donnée, je représente­rai le Grand Prix de France avec plaisir.

Votre première action estelle déjà programmée ? Oui, je vais me rendre à la seconde session d’essais de Barcelone (de mardi à vendredi). Faire campagne dans le paddock. Et d’abord exposer aux uns et aux autres cet excellent plan de mobilité présenté il y a quelques jours. Le fond du problème a été compris. Des solutions efficaces sont en place. A nous de l’expliciter afin que les gens reprennent confiance et reviennent voir ce magnifique spectacle.

Peut-on dire que vous êtes la caution sportive du GIP ? Non, je ne pense pas. (Il soupire) Je suis ce que je suis. Je possède une certaine expérience. Mon rôle est clair.

Mais cette entité très politique avait besoin de quelqu’un comme vous. Un connaisseu­r du sport auto, un homme du sérail, quoi ! Je ne sais pas. La première édition a été une très belle réussite, je le répète. Une fois ce virage négocié, il faut regarder les suivants. Autrement dit, pérenniser l’événement. C’est un défi au moins aussi ardu que celui du retour. Qui nécessite de renforcer l’équipe, peut-être... Quelle est la priorité numéro  pour durer, selon vous ? Il y a beaucoup à faire. Impossible de tout détailler ici. Vous avez vu comme moi le bilan des retombées économique­s, sociales. Notre pays, la région PACA, ont besoin de cette épreuve. C’est une échéance incontourn­able, de par les liens très forts unissant depuis des lustres la France et l’automobile. Également parce que nous comptons un constructe­ur puissant, Renault. Et des pilotes talentueux : Pierre Gasly, Romain Grosjean, Esteban Ocon, sans oublier le ‘‘presque Français’’ (Charles Leclerc). S’il lit ça, il va hurler. (Rires)

L’associatio­n des promoteurs de Grands Prix (FOPA), dont fait partie le GIP, grogne en ce moment contre les tarifs à la tête du client appliqués par Liberty Media. Une fronde justifiée ? Ça fait partie du jeu. En F, il y a toujours eu des rapports de force. Moi, je viens juste d’intégrer l’équipe. Je ne connais pas encore tous les détails du dossier. Certaines choses doivent sans doute être clarifiées.

Quel regard portez-vous sur l’action des dirigeants américains de la F depuis leur arrivée, début  ? Écoutez, pour les connaître très bien personnell­ement, je sais qu’ils travaillen­t d’arrache-pied. Assis dans son fauteuil, chez soi, c’est facile de dire qu’ils ne font pas grand-chose, que rien n’évolue. Au début, ils ont beaucoup écouté et discuté. Voyons la suite. À l’horizon se profile un cap important. En , la F va probableme­nt changer d’ère, avec une nouvelle réglementa­tion technique. J’espère qu’ils sauront la rendre encore plus attractive pour tous, compétiteu­rs et public.

Il faut pérenniser l’événement ”

Pour conclure, si on vous dit que la F d’aujourd’hui, c’est  % de politique,  % de business et  % de sport. D’accord ? Euh, non. Cette répartitio­n ne reflète pas tout à fait la réalité. La politique et le business font partie de la F comme ils existent dans le foot et ailleurs, depuis très longtemps. Pas plus maintenant qu’avant, au contraire. Et dès que les moteurs démarrent, c’est un sport. Pareil entre les courses quand il s’agit de gérer une équipe et de construire une voiture, croyez-moi.

En , la F va changer d’ère ”

 ?? (Photo Frank Muller) ?? Eric Boullier : « Notre pays, la région PACA, ont besoin du Grand Prix de France. C’est une épreuve incontourn­able. »
(Photo Frank Muller) Eric Boullier : « Notre pays, la région PACA, ont besoin du Grand Prix de France. C’est une épreuve incontourn­able. »

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