Var-Matin (Grand Toulon)

IL Y A  ANS, YANN PIAT ASSASSINÉE

À 44 ans, la députée de la 3e circonscri­ption tombait sous les balles à quelques mètres de son domicile au Mont-des-Oiseaux. Récit de la nuit où une élue de la République a été abattue

- PEGGY POLETTO

Le  février , la députée de la e circonscri­ption du Var perdait la vie dans un guet-apen à Hyères. Retour sur cette dramatique nuit où une élue de la République a été abattue.

Le  février , Yann Piat,  ans, députée de la e circonscri­ption du Var, est dans le viseur d’une équipe de tueurs à moto. Dans la dernière épingle à cheveux de la route du Mont des Oiseaux, à seulement  mètres de sa villa Le Mas bleu, des coups de feu déchirent la nuit. Jo Arnaud, son chauffeur, tente le tout pour le tout pour éviter les tirs. L’élue hurle : « On nous flingue Jo. On nous

flingue ! ». Ce seront les derniers mots de cette femme politique, mère de deux jeunes filles, qui osait oser, avant de rendre son ultime souffle. Le lendemain, les Hyérois, le Var, la France aussi découvre l’impensable : une élue de la République a été assassinée. Vingt-cinq ans après, seul un moment de recueillem­ent lui sera rendu aujourd’hui à  h , au cimetière de Bormes par des proches. Aucune cérémonie d’hommage n’est prévue. Une étrange amnésie républicai­ne, pour une élue abattue lors de son mandat. « Commandant, on a tiré sur Madame Piat ! ». Ce vendredi 25 février 1994, il est 20 h 14. Pierre Schaller est commandant de la caserne des pompiers de Hyères. Il vient de décrocher le téléphone de son domicile et au ton de la voix de l’officier de permanence, il comprend la gravité de la situation. «Maisoùça?» . «À la caserne » , répond précipitam­ment l’officier de permanence.

Le récit d’une nuit glaciale

Après avoir essuyé les coups de feu au Mont-des-Oiseaux, le chauffeur de la députée a fait demi-tour, dévalant la route sinueuse pour se réfugier au centre de secours. « J’ai compris que la situation était grave. À cette époque, nous étions dans un contexte très particulie­r. Il y avait pas mal d’incendies et d’explosions, surtout la nuit, des tentatives d’homicides et des homicides ». En quelques minutes seulement, Pierre Schaller arrive sur place. La première image indélébile est celle de la Clio Baccarat stationnée au pied du bâtiment. Les portes ouvertes. Des impacts de balles dans la carrosseri­e et dans les vitres. Et beaucoup de sang. Gravement blessé, Jo Arnaud, le conducteur, est transporté à l’hôpital. Le corps de la parlementa­ire est étendu au sol. Dès que les sapeurs-pompiers ont vu surgir la Clio dans l’enceinte et ont compris la situation, tout a été engagé pour réanimer la victime. « Le ciel vous tombe sur la tête à ce moment-là. Mme Piat était députée de la circonscri­ption de Hyères. Nous avions l’habitude de nous croiser. Elle venait aux cérémonies. Elle était venue il y a peu de temps pour les voeux ». Les réflexes profession­nels reprennent vite le dessus. Bien que les téléphones mobiles et les réseaux sociaux n’existent pas, le commandant a connaissan­ce qu’une première fuite du drame risque d’attirer des curieux. « Des journalist­es, il faut le dire », commente-t-il. L’ordre est passé de ne plus répondre aux appels hormis ceux des secours. « J’ai déclenché un embargo total et alerté le colonel Lafourcade [le patron du SDIS 83] qui avait dû mal à y croire. À deux reprises, j’ai dû lui dire que Mme Piat venait d’être assassinée ». Toutes les barrières de la caserne sont alors fermées. C’est Fort Knox. Au coeur de cette nuit d’hiver glacial, morbide, le silence se fait pesant. Et puis, un groupe d’hommes influents fait son apparition. Parmi eux, Maurice Arreckx, le président du conseil général, le préfet, le procureur, le conseiller général Jo Sercia. Tous vont alors se parler dans la cour de la caserne. À voix basse. À quelques dizaines de mètres de la dépouille de la victime. Tous sauf un. Joseph Sercia est tenu à l’écart se souvient Pierre Schaller. « L’image de ce groupe et de cette mise à l’écart me reste à l’esprit ». Il règne au coeur de cette nuit particuliè­re une atmosphère lourde. Un an après, les sapeurs-pompiers de la ville sont mis à contributi­on pour la reconstitu­tion qui se déroule en pleine nuit. Il faut de la lumière, beaucoup d’éclairage. Tous les accès au Montdes-Oiseaux sont condamnés. Impossible de passer. Encadré par les policiers, les hommes du RAID, les CRS, un des accusés – l’un des bébés tueurs de la bande du Macama – est transporté sur les lieux, dans le fameux virage. « Je me souviens qu’il y avait pas mal de monde. Des spécialist­es de la balistique, la Clio Baccarat de Mme Piat sur une remorque. Je me souviens de ce jeune homme revêtu d’un gilet pare-balles jusqu’aux genoux, menotté dans le dos qui d’une voix sans émotion répondait aux questions du magistrat. Il avait un détachemen­t saisissant ». Colonel, habitué aux interventi­ons rudes, Pierre Schaller garde le souvenir d’un événement choquant. « Le crime s’est invité dans une caserne de pompiers », termine-t-il. Yann Piat, vingt-cinq ans plus tard... Presque tout a été dit, écrit, supputé, imaginé. Cette femme au tempéramen­t bien trempé, proche de Jean-Marie Le Pen, son parrain qui la lancera en politique sous l’étiquette FN avant qu’ils ne se brouillent et qu’elle ne rejoigne l’UDF.

Elle aurait eu  ans

Elle laisse derrière elle l’image d’une battante, d’une empêcheuse de tourner en rond. Sa mort ce 25 février 1994 a déclenché un tsunami dans le Var, révélant les collusions entre le Milieu et le tissu politique et économique. Le 16 juin 1998, la cour d’assises de Draguignan a rendu une vérité judiciaire : les auteurs du crime, le commandita­ire et leurs complices ont été condamnés et incarcérés. Yann Piat, elle, aurait eu 70 ans le 12 juin prochain.

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(Photos archives V.M.) Yann Piat,  ans, députée, mère de deux jeunes filles, a succombé à ses blessures le  février , après la fusillade dont elle a été la victime à quelques mètres de son domicile au Mont-de-Oiseaux, à Hyères.
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