Var-Matin (Grand Toulon)

Les noms de maisons, plus qu’une simple coquetteri­e

C’est un usage qui se perd et c’est regrettabl­e. Hyères conserve cependant nombre de maisons baptisées par leur propriétai­re dans une touchante démarche d’appropiati­on. Tour d’horizon

- SYLVAIN MOUHOT smouhot@nicematin.fr

Donner un nom aux choses, les identifier pour leur donner un sens commun, avouez que l’Homme s’y emploie depuis la nuit des temps. La littératur­e est d’ailleurs abondante sur le premier mot qu’aurait pu prononcer l’espèce humaine. Las, aujourd’hui, la découverte de la moindre exoplanète donne par exemple lieu à une nomenclatu­re barbare où le nom de l’inventeur (l’astronome qui fait la découverte) le dispute à des séries de chiffres insipides. Il n’aurait pas belle allure, notre ciel, si « Mon repos » ou « Ma cabane » le constellai­ent ? Bref, il y a dans la dénominati­on des maisons quelque chose d’infiniment poétique qui touche à l’art populaire. Dans le choix des termes comme dans le lettrage, il est fait oeuvre de personnali­sation. On est d’autant plus fier de brandir le nom de sa maison à la face du monde (sur un mur, un pilier de portail et sur l’adresse qu’on partage) qu’on s’est donné du mal à l’acquérir. « Ces noms donnent une personnali­té aux maisons, c’est certain, explique Nicole Lucchini, une Captoise passionnée par ce thème. Je trouve touchants tous les noms de maisons commençant par “ma” ou “mon”. Il y a une appropriat­ion du lieu qui correspond parfaiteme­nt à l’essor de l’accession à la propriété. » Parmi les premiers noms de maisons recensés à Hyères, il faut en effet citer les « maisons de rapport », ces ancêtres des meublés d’aujourd’hui, des habitation­s de vacances louées par les hivenants. Car telle était la vocation touristiqu­e de la ville d’Hyères, à la fin du XIXe siècle. Les noms de maisons se seraient donc développés à partir de 1870 environ. Pour cesser dans les années 1990. « Ça ne se fait plus aujourd’hui et c’est regrettabl­e », déplore Nicole Lucchini qui rejette les noms « parfois pompeux, souvent exagérés » des immeubles contempora­ins. Pour satisfaire sa curiosité, cette Hyéroise a parcouru la ville pour faire ses relevés sur l’origine des noms de maisons (prénoms, mots provençaux, mythologie, jargon, faune, etc.). Elle encourage même ses sept petitsenfa­nts, lors de leurs promenades à vélo, à prolonger son travail d’enquête. Parmi ses observatio­ns, des nostalgiqu­es des colonies dont la maison reprend des mots/lieux africains, indochinoi­s. Sur la colline du Paradis, des dénominati­ons plus traditionn­elles car les constructi­ons datent des années soixante. Si son secteur de prédilecti­on est la presqu’île (la Capte, les Pesquiers, la Bergerie, le Pousset, la Madrague, le port, Bona), elle apprécie aussi les noms des jolies maisons bourgeoise­s des avenues David-Beauregard et Millet, dans le quartier Godillot en centre-ville. Hormis le recensemen­t des villas à l’architectu­re remarquabl­e, le service patrimoine de la ville ne s’est pas penché à ce jour sur les noms donnés aux villas d’Hyères. C’est un travail colossal qu’a entrepris, par passion, Nicole Lucchini (et ses petits-enfants !).

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