Var-Matin (Grand Toulon)

Le cri d’alarme de Jeanne femme de policier

- VÉRONIQUE MARS vmars@nicematin.fr

« Être femme de flic n’a jamais été très simple. Aujourd’hui, cela devient dangereux. Pour notre sécurité et celle de nos enfants. » Jeanne sait de quoi elle parle pour partager la vie d’un policier. Installée d’abord à Paris, cette jeune femme, qui s’exprime sous couvert d’anonymat, vient d’emménager à Draguignan, pour se rapprocher de son conjoint, nommé à la CRS 6 de Saint-Laurent-du-Var (Alpes-Maritimes). Si elle a sollicité notre rédaction, ce n’est pas pour évoquer les missions qui s’enchaînent à un rythme effréné. C’est pour parler d’une tension palpable à l’égard des forces de l’ordre qu’elle a vu grossir, avec le mouvement des Gilets jaunes. « La bascule s’est opérée en décembre, raconte-telle. Depuis que les violences et les casseurs se sont invités dans les manifs. De climat tendu, on est passé à la haine ». Et de pointer une proliférat­ion de messages virulents sur les réseaux sociaux. À commencer par ceux qui déferlent sur le compte Facebook de l’associatio­n Femmes des forces de l’ordre en colère (FFOC), dont Jeanne est l’une des responsabl­es de la région Paca.

« Avant un passage à l’acte »

Cette associatio­n a été créée 2017 à la suite de la vague de suicides chez les policiers et gendarmes pour apporter aide et soutien aux familles, aux collègues. Pour relayer aussi le malaise des forces de l’ordre qui, depuis quatre ans, sont en première ligne dans la lutte contre le terrorisme. « Aujourd’hui, notre mission s’est étendue aux pompiers, aux surveillan­ts de prison. À tous ceux qui portent un uniforme et qui sont devenus une cible sur les réseaux sociaux. » Jeanne raconte, d’une voix posée, l’afflux de posts haineux sur la page FFOC Paca-Corse. Combien ? « Je ne les compte pas, il y en a trop. Le plus inquiétant, souffle-t-elle, c’est qu’il n’y a plus de limite à cette violence verbale. Aujourd’hui, ce sont des menaces de mort qui sont clairement lancées. Elles visent les forces de l’ordre mais aussi leur conjoint et leurs enfants. Faut que ça s’arrête ! Avant un passage à l’acte, avant qu’il ne soit trop tard. »

Déferlante de posts haineux

Jeanne a apporté une liasse de papiers imprimés. « C’est une petite sélection des derniers messages que nous avons reçus...» Une sélection qui donne la nausée. Avec des messages en forme d’incitation à la haine, à la violence, dont les auteurs ne se cachent même pas. Eux, affichent, sur leur profil, leur nom, prénom, voire une photo. Cas de Patrick F. dont le post fait froid dans le dos : « Il faudrait gazer les enfants des forces de l’ordre pour qu’ils sachent ce que cela fait. » Ou bien celui de Jo Jo (reproduit avec les fautes d’orthograph­e) : « Brûlons celles et ceux qui porte l’uniforme » (...) Ou encore celui de Sylviane P. « brûlez sa famille, femme, enfants et petits enfants ». Pour contrer cette spirale de haine, Jeanne et l’associatio­n FFOC ont demandé à être reçues par le ministre de l’Intérieur. « Depuis, c’est le silence radio. » Travaillan­t sur Nice et donc domiciliée à Draguignan, Jeanne a sollicité quatre députés Varois. «À ce jour, trois ne m’ont pas répondu, un a promis de le faire...» Prochainem­ent, elle entend saisir les élus des Alpes-Maritimes et de Nice. « Pour faire bouger les choses, agir. Pour que ceux qui répandent la haine soient sanctionné­s fermement. Et pas que d’un rappel à la loi ! Il n’est pas normal que les familles des forces de l’ordre vivent dans la crainte. » La cagnotte lancée par Renaud Muselier, président du conseil régional Paca, et les 1,4 M d’euros collectés pour les policiers blessés lui font chaud au coeur. Mais ce à quoi aspire Jeanne, c’est de retrouver la sérénité. « Je suis fière du métier exercé par mon compagnon. Mais je ne peux pas le dire sans mettre en danger mes enfants. »

1. À sa demande, le prénom a été modifié pour préserver son anonymat.

 ?? (Photo Eric Ottino) ?? « Tous ces messages haineux sur les réseaux sociaux contre les familles des forces de l’ordre, faut que cela s’arrête », lance Jeanne, l’une des responsabl­es Paca de l’associatio­n Femmes des forces de l’ordre en colère.
(Photo Eric Ottino) « Tous ces messages haineux sur les réseaux sociaux contre les familles des forces de l’ordre, faut que cela s’arrête », lance Jeanne, l’une des responsabl­es Paca de l’associatio­n Femmes des forces de l’ordre en colère.

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