Var-Matin (Grand Toulon)

Fiscalité plus juste : « On est au milieu du gué »

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Cela s’est confirmé lors de l’échange d’hier entre la ministre et nos lecteurs : la fiscalité est bien l’une de leurs préoccupat­ions majeures. C’est l’étudiant niçois Mehdi Abed qui, le premier, a porté le fer dans la plaie. En quoi, a-t-il interrogé en substance, l’ISF était-il contre-productif et en quoi sa transforma­tion en Impôt sur la fortune immobilièr­e (IFI) contribue-t-elle à irriguer davantage l’économie ? Sur un sujet qui n’est pas spécifique­ment de son domaine de compétence, Emmanuelle Wargon a souvent botté en touche, s’en remettant aux propositio­ns qui vont émerger du Grand débat et aux arbitrages à venir.

« Les effets pervers de l’ISF »

« Le président de la République a dit souhaiter ne pas revenir en arrière sur l’ISF. Néanmoins, le débat reste ouvert. Il y aura une évaluation du nouveau système et il existe d’autres manières de faire payer les plus hauts revenus que l’ISF. Celui-ci avait deux effets pervers : comme il n’existait pas ailleurs, il contribuai­t à une fuite des contribuab­les aisés. Et il forçait les entreprise­s de taille intermédia­ire à verser des dividendes pour que les détenteurs de parts sociales puisent payer leur impôt, alors même qu’elles n’étaient parfois pas en état de le faire, ce qui pénalisait ensuite l’investisse­ment. Mais si nous n’avons pas de trace que l’argent se réinvestit au bout de deux ans, nous reviendron­s à un autre système. » En réponse à Jean-Michel Lebeau, cadre du Cannet qui s’inquiétait du « matraquage fiscal des classes moyennes supérieure­s », la ministre s’est surtout interrogée : « En France, l’impôt sur le revenu est payé par 42 % seulement des familles. C’est quoi, une fiscalité juste ? Achever la suppressio­n de la taxe d’habitation pour tous est une des possibilit­és sur la table, mais attention ce n’est pas une annonce de ma part. Il faut en tout cas que le système soit perçu comme compréhens­ible et juste. » Attaquée par Jacques Quentin, avocat toulonnais retraité, sur la place excessive désormais prise par l’immobilier dans l’IFI, la ministre a plaidé que « ce dernier n’a pas alourdi la part immobilièr­e. On essaie de reposer des questions de base sur la justice fiscale ». Elle n’a cependant pas opposé de fin de non-recevoir formelle à la triple suggestion de l’intéressé, pour que l’IFI ne pèse plus sur « les Français moyens aisés, qui consomment du coup de moins en moins » : soit rétablir une ISF complète ; soit ajuster l’IFI à un niveau tel pour qu’il ne soit payé que par les « très gros propriétai­res, alors qu’à l’heure actuelle le seuil de déclenchem­ent se situe à 1 300 000 euros et qu’on paie à partir de 800 000 euros » ; soit le supprimer carrément en rajoutant, pour compenser, une tranche supérieure de l’impôt sur le revenu. Et la ministre de convenir, in fine, que l’exécutif « était un peu au milieu du gué sur la question d’une nécessaire plus grande justice fiscale ».

« Une compétitio­n plus juste »

Questionné­e par le Tropézien JeanPierre Bimar sur l’optimisati­on fiscale par les multinatio­nales, Emmanuelle Wargon a par ailleurs reconnu que l’une des questions importante­s de la campagne européenne « sera de supprimer la règle de l’unanimité sur les questions fiscales. Actuelleme­nt, pour se mettre d’accord sur les questions fiscales, il faut l’unanimité. Or, on voit bien que certains états se sont spécialisé­s dans des fiscalités très basses, très attractive­s pour les entreprise­s. On ne peut pas être coincés par un ou deux états qui ne veulent pas avancer, alors que les autres veulent une base de compétitio­n homogène et juste ». En réponse à une autre question, elle a aussi indiqué que « revenir sur aides fiscales pour les emplois familiaux, ce qui créerait du travail au noir, n’était pas dans les intentions du gouverneme­nt ». Sur la règle des 3 % d’endettemen­t imposée par l’Union européenne, elle a enfin précisé que « notre dette représente une année complète de production de richesses » et qu’il fallait « retrouver une trajectoir­e de finances publiques plus soutenable. Une norme plus souple nous donnerait un peu plus de marge de manoeuvre et serait peut-être utile, mais il ne faut pas s’abriter derrière cela ».

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