Oscars : Netflix dans la cour des grands
En raflant quatre statuettes, dont trois pour Roma d’Alfonso Cuaron, la plateforme de vidéo à la demande confirme son implantation à Hollywood
Le palmarès des Oscars 2019 restera décidément dans les annales. Qui eut cru, d’abord, que Peter Farrelly recevrait un jour l’Oscar du meilleur film ? Le réalisateur de Dumb & Dumber, Mary à tout prix et des Trois Corniauds, comédies populaires plus ou moins régressives et trash, a surpris tout le monde avec Green Book ,un road movie dans l’Amérique ségrégationniste des années 60, qui a également reçu l’Oscar du meilleur scénario et pour lequel Mahershala Ali a décroché celui du meilleur second rôle. On regrette que son partenaire Viggo Mortensen n’ait pas eu celui du meilleur acteur, qu’il méritait sans doute mieux qu’un Rami Malek en clone de Freddie Mercury (dans le biopic de Queen, Bohemian Rhapsody). Le sacre d’Olivia Colman pour La Favorite fait en revanche plaisir, pour elle et pour le film de Yorgos Lanthimos qui figurait parmi les... favoris. 2019 restera aussi comme l’année où Marvel, désormais dans le giron Disney, a décroché ses premiers Oscars avec Black Panther (Meilleure musique, meilleurs décors, meilleurs costumes) et Spider Man : New Generation (meilleur film d’animation). Mais on se souviendra surtout des 91e Oscars comme ceux de l’entrée de Netflix dans la cour des grands. La plateforme de vidéo à la demande, qui a énormément investi dans la course aux Oscars, rafle pas moins de quatre statuettes : trois pour Roma d’Alfonso Cuaro (meilleur film étranger, meilleure photo, meilleure réalisation) et 1 pour le meilleur court-métrage documentaire (Les Règles de notre liberté). Après avoir remporté le Lion d’or à Venise, Roma a bien failli décrocher la récompense suprême de Hollywood. Si le film n’avait pas été oscarisable dans la catégorie « meilleur film en langue étrangère », les votants auraient certainement eu moins de scrupules à lui attribuer celui du meilleur film tout court.
Netflix à Cannes ?
Green Book permet donc aux studios de sauver la face in extremis, mais on se doute bien que ce n’est que partie remise. Ce qui va rendre encore plus difficile à tenir la position du Festival de Cannes, vis-à-vis des nouveaux producteurs de films que sont les plateformes de vidéo à la demande. Pour l’heure, on le sait, le Festival refuse de sélectionner les films qui ne sortent pas au cinéma en France. Ce qui a conduit Thierry Frémaux à renoncer à sélectionner Roma l’an dernier. Si le cas devait à nouveau se reproduire, cela accentuerait encore la fracture entre Cannes et Hollywood. Et ce ne serait pas une bonne nouvelle pour le Festival, dont on attend désormais la sélection 2019…