Le couple, mission impossible : vaste débat ce soir au Télégraphe
La sexologue et psychanalyste Catherine Blanc est l’invitée de cette soirée ouverte à tous, aujourd’hui, avec le psychologue Didier Pleux
Auteur notamment de La sexualité décomplexée (50 idées reçues... revues et corrigées) inspiré de ses chroniques dans Psychologies magazine (1), la sexologue et psychanalyste Catherine Blanc sera ce soir à Toulon, l’invitée du Télégraphe, avec le psychologue Didier Pleux (auteur lui de, On aime comme on a été aimé ?). Ces deux spécialistes se partageront la parole, lors d’une soirée ouverte à tous, sur le thème : «couple, mission impossible».
A travers vos ouvrages, vous avez ce désir d’essayer de nous déculpabiliser par rapport à la pression que l’on se met aujourd’hui au niveau de la sexualité, ou du couple... Je pense que la société est tellement cruelle dans ses injonctions esthétiques, de performances professionnelle, financière, sexuelle... qu’en mettant tout cela bout à bout, les gens sont complètement anxieux. Ce qui est le meilleur moyen de ne pas rencontrer paisiblement l’émotion de la sexualité. La sexualité, c’est la liberté d’une ouverture émotionnelle. Ce n’est pas une performance physique, ce n’est pas du sport, cela ne se fait pas dans la salle de gym (même si on a le droit de le faire dans les vestiaires de la salle de gym !). Il n’y a pas de grammaire, au contraire de ce que la pornographie peut proposer, et de ce que les individus véhiculent eux-mêmes des fois, à cause de la pornographie. Aujourd’hui, si on n’a pas fait telle ou telle pratique, cela laisse à penser qu’on serait rétrograde, coincé... Tout cela est un petit peu idiot. Parce que, plus il y a un menu écrit d’avance par d’autres (à savoir la société), plus l’individu passe à côté. Parce qu’on l’effraie, parce qu’il se malmène. Il ne joue plus sa partition, il joue la partition d’une société. La sexualité est quelque chose qui doit s’inscrire dans son intimité. La sexualité ne peut pas être dictée, ni par les sociétés, ni par les sexologues. La première des choses est de respecter le rythme de chacun, l’histoire de chacun...
Couple : mission impossible ,le constat est plutôt noir, mais il y a toujours des solutions alors ? Mais bien sûr ! Heureusement ! Aujourd’hui les injonctions sont : «tout le monde devrait faire l’amour tout le temps, plusieurs fois par jour, avec x partenaires ou dans X positions, ou dans X situations, etc.» Hier, c’était qu’une femme ne devait pas le faire ou ne devait répondre qu’à son mari... Un homme devait le faire, sinon il était homosexuel, et être homosexuel était vraiment le pire du pire ! A toute époque sociale, il y a toujours des injonctions. La sexualité est la pierre angulaire d’une société. Le philosophe Michel Foucault a bien expliqué comment on a finalement pu déposséder l’individu de sa sexualité. A partir du moment où on inquiète un peuple quant à sa sexualité, on a un pouvoir sur lui...
Sexe et couple, est-ce un binôme qui doit fonctionner ensemble pour que ça marche ? On est heureux quand ça fonctionne ensemble, bien sûr. Mais c’est évidemment difficile, car le couple a plein d’autres missions. Cela pose toujours la question de comment on s’est rencontrés et quel était notre projet ensemble. Il y a des couples qui se rencontrent par une évidence sexuelle, mais sont incapables de construire des choses ensemble, que ce soit fonder une famille (qui viendrait bousculer leur adhésion corporelle), ou être disponibles pour leurs vies professionnelles. A l’inverse, des couples vont se rencontrer pour partir du foyer parental et construire des projets, vont essayer de découvrir la sexualité et oseront la faire évoluer. Parfois, ils en restent là où ils se sont rencontrés, et peuvent être un couple formidable, en ayant une sexualité inexistante ou étriquée, cela sans jugement. L’erreur est de penser qu’on mesure la qualité du couple à sa qualité érotique. Car si tel était le cas, les trois quarts des couples devraient se séparer. C’est souvent un argument avancé justement pour justifier une séparation, puisque la société nous dit qu’on est censés s’épanouir sexuellement, qu’on est censés vivre des trucs incroyables. 1. Paru en 2015 chez Flammarion.