Var-Matin (Grand Toulon)

Oui mais non

- CLAUDE WEILL Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

« Nous sommes attachés à l’Europe ; à condition qu’elle soit une France en grand. »

Nous adorons qu’il fasse beau et chaud, même un  février ; mais nous redoutons le réchauffem­ent climatique. Nous sommes prêts à nous mobiliser pour sauver la planète ; mais pas à payer vingt centimes de plus le litre d’essence ou de gazole. Nous avons pris conscience des sévices que l’homme inflige aux animaux ; mais ne sommes pas encore disposés à passer au végétarism­e. Nous savons que les transports aériens ont un très mauvais bilan carbone ; mais pour ceux d’entre nous qui en ont les moyens, nous ne sommes pas prêts à renoncer aux soleils lointains. Nous trouvons que nous payons bien trop d’impôts ; mais nous nous inquiétons du recul des services publics. Nous pensons que les charges sociales pèsent trop lourdement sur le coût du travail ; mais nous sommes attachés à notre haut niveau de protection sociale. Nous sommes pour une baisse des dépenses publiques ; mais

contre toutes celles qu’on nous propose. Nous admirons les performanc­es de l’économie allemande ; mais nous n’avons aucune envie de prendre exemple sur elle. Nous sommes attachés à l’Europe ; à condition qu’elle soit une France en grand. Nous sommes chauvins ; mais cédons vite à l’autodépréc­iation. Nous réclamons une hausse de la fiscalité sur les hauts revenus et les grosses fortunes ; mais nous comprenons les riches qui s’expatrient vers des cieux plus cléments. Nous exigeons du pouvoir qu’il prenne des décisions rapides et efficaces ; mais à condition de tenir compte de tous les avis. Nous sommes critiques et déçus par Macron ; mais nous pensons qu’aucun de ses opposants ne ferait mieux. Nous comprenons que face à des manifestan­ts agressifs, les forces de l’ordre doivent avoir les moyens de se défendre ; mais nous sommes mal à l’aise devant l’usage du LBD et les dégâts irrémédiab­les qu’il cause. Nous avons de la sympathie pour les « gilets jaunes » sincères ; mais nous avons fini par nous dire que bon, là, ça commence à bien faire. Nous nous lamentons sur la mort des petits commerces de centre-ville ; mais nous faisons nos courses à l’hypermarch­é en périphérie. Nous nous indignons des salaires astronomiq­ues des patrons du CAC  ; mais pas qu’un footballeu­r gagne le double. Nous n’aimons pas les dynasties capitalist­es ; mais nous nous attendriss­ons devant celles du show-biz. Nous avons importé la révolution metoo ; mais nous nous gaussons du code relationne­l américain. Nous plébiscito­ns les programmes d’Arte, surtout les documentai­res sur l’histoire et l’art ; mais nous regardons Hanouna et les séries made in USA. Nous vomissons les télés d’informatio­n en continu, leur goût du sensationn­el ; mais nous restons scotchés devant. Arrêtons là. On pourrait continuer longtemps. Chacune de ces observatio­ns s’appuie sur des études d’opinion ou de comporteme­nts abondammen­t documentée­s. Nous sommes des Français, citoyens contradict­oires d’un pays compliqué. Champions, en fait, de l’en-même-tempisme, ce que ne laisserait pas deviner notre goût pour les jugements péremptoir­es et les positions radicales. Heureux ceux qui n’ont que des idées simples, et s’y tiennent, et mettent toujours leurs actes en accord avec leurs paroles. Mais tout de même, ce qu’ils peuvent être assommants !

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