Des confrères plus nuancés face aux pilotes
Sous le coup des arrestations à l’aéroport de Punta Cana, certains avaient livré des commentaires sévères sur Pascal Fauret et Bruno Odos. Ils ont été plus nuancés devant la cour
Hier au palais de justice d’Aix-en-Provence, la cour d’assises spéciale a continué à cerner au mieux le mode de fonctionnement de la SNTHS (société nouvelle trans hélicoptères services). Une société qui, depuis sa plateforme du Bourget, avait organisé les trois vols suspects vers la République Dominicaine et l’Équateur, entre décembre 2012 et mars 2013. Le troisième n’avait pu quitter l’aéroport international de Punta Cana, où il avait été immobilisé par la police locale avec à bord vingt-six valises pour un seul passager. Selon la procédure dominicaine, ces valises contenaient 700 kg de cocaïne. C’est à voir, selon la défense des accusés, qui déplorent l’absence d’expertise du produit. La SNTHS et ses pilotes auraient-ils dû être plus méfiants vis-à-vis des commanditaires de ces trois vols ? C’est un peu l’avis général parmi les pilotes de l’aviation d’affaires qui ont été entendus par la cour. « C’était une petite société, avec deux ou trois avions, qui faisait des vols intra-européens , a témoigné l’ex-responsable d’une compagnie aérienne stationnée au Bourget. Ça marchait, mais pas si bien que ça, je pense. Il n’y avait pas beaucoup de vols. » La veille, le commercial de la SNTHS, qui s’était investi dans son premier job avec la vigueur de ses 23 ans, avait dépeint l’état d’esprit de son patron PierreMarc Dreyfus. « Il cherchait à faire grossir sa société en rendant possibles les vols trans-océaniques. » Pour lui, le tout premier vol vers Puerto Plata était très prometteur en termes financiers, et conduisait à accepter les deux suivants.
Pilotes neuneus ?
Interrogés à la lumière de l’interpellation de Pascal Fauret et Bruno Odos à Punta Cana, d’autres pilotes, qui avaient travaillé avec eux ou les connaissaient, avaient du mal à croire qu’ils aient pu participer à pareille aventure. L’un d’eux cependant, désormais à la retraite, n’avait guère été tendre dans son audition. « Il y a deux solutions, avait-il estimé, ou ils sont neuneus, ou ils sont dans le coup. Il y a trop de faisceaux pour ne pas se poser de questions. Comment ont-ils pu faire trois voyages ? On aurait pu pardonner le premier voyage, mais trois ! En plus, la République Dominicaine est une plaque tournante. »
De l’eau dans son vin
À la barre, il ne se souvenait plus avoir tenu ces propos. Il les a nuancés devant l’avocat général. « Ils ont été imprudents. Parce qu’il y a vingt-six valises et un seul passager. C’est beaucoup. Il fallait s’assurer qu’elles appartenaient bien au passager. » Il a même regretté ces déclarations face à Me Eric Dupond-Moretti, qui pour la défense des pilotes lui a fait le reproche de ne pas y être allé de main morte.
Manque de tenue
« Vous êtes l’enfant de choeur de l’accusation. Vous les avez même traités de cons. » Dans la même veine, un autre retraité de l’aviation civile, qui connaissait les accusés, avait été péremptoire lors de l’enquête : « Un passager en jean et tee-shirt avec plusieurs valises, jamais je n’accepte de décoller. » Il a nuancé son propos à l’audience. « Oui, j’ai dit ça, mais après, j’ai réfléchi. Si j’avais été dans cette situation, j’aurais demandé au passager si les valises lui appartenaient. Et en cas d’imprécision, j’aurais annulé le vol. Parce que autant de bagages pour un seul passager, c’est choquant. » Ce même ancien pilote a indiqué à l’avocat général que, même s’il s’interrogeait sur le contenu d’autant de valises pour un unique passager, il ne lui aurait pas demandé de les ouvrir. « Dans l’aviation d’affaires, on ne le fait jamais. Mais à partir du moment où le passager me dit que ces valises sont à lui, c’est sa responsabilité, ce n’est plus la mienne. »