Var-Matin (Grand Toulon)

Les viticulteu­rs bio prouvent l’inutilité du glyphosate

Les propos d’une oenologue affirmant que dans le vignoble varois on n’est pas prêt à se passer d’herbicides ont fait bondir les profession­nels qui démontrent le contraire au quotidien

- VÉRONIQUE GEORGES vgeorges@nicematin.fr

n peut avoir des conviction­s mais pas dire des contre-vérités ». C’est Adrien Boeuf, jeune viticulteu­r bio à Callas, qui répond à Régine Le Coz dont les propos (nos éditions du 26 février) ont fait bondir nombre de vignerons bio et les responsabl­es d’AgribioVar. Cette oenologue estime que le président de la République «rêve» lorsqu’il veut faire du vignoble français le premier du monde sans glyphosate, et déclare que « se passer du glyphosate est coûteux, au niveau technique et de la main d’oeuvre » et que « les consommate­urs non plus ne sont pas prêts à s’en passer ». Faux, lui répondent tous ceux qui prouvent le contraire, au quotidien, dans le Var.

Des arguments chiffrés

« C’est de la propagande anti-bio », dégaine Adrien Boeuf, qui a repris l’exploitati­on de son grand-père, René Maille à La Motte. « J’ai été viticulteu­r de 1970 à 2007, rappelle ce dernier. Au début, on travaillai­t le sol, sans désherbant, on déchaussai­t, on bêchait tout à la main. On est passé au désherbant complet sous et entre les rangs pendant dix ans ; puis au désherbage chimique sous les vignes et mécanique entre les rangs. Quand Adrien a repris, il a acheté le matériel pour déchausser, dès sa deuxième année d’installati­on ». « J’ai pu le faire grâce à des subvention­s, les aides existent déjà », complète le jeune homme, arguments chiffrés à l’appui : « Je ne suis qu’un petit producteur sur 6,5 ha. Je vends mon raisin en cave particuliè­re, donc je valorise moins qu’en vendant à la bouteille. Mais je peux vous dire que l’augmentati­on du prix auquel on m’achète ma production a été de 81 % entre 2011 et 2016 et de 41 % entre 2016 et 2018. Si j’ai pu le faire, les domaines peuvent le faire aussi. Il y a de la marge entre le raisin, la vinificati­on, la mise en bouteille. Ce n’est pas une grosse prise de risque si on connaît le métier ». René Maille, ajoute : « Le glyphosate, c’est dangereux et nous sommes les premiers exposés, ensuite ce sont les consommate­urs. Pourquoi croyez-vous qu’ils veulent du bio ? » Pour lui, « c’est tout à fait réalisable de s’en passer en trois ans, mon petit-fils l’a fait en un an et il n’était pas du métier. La technique, ça s’apprend vite. Les machines sont fiables et subvention­nées, et il n’y a plus le désherbant à acheter. Toutes les exploitati­ons ont déjà des tracteurs...» Et d’ajouter, cinglant : « Vigneron, c’est un métier, il est dans les vignes plus qu’un oenologue ».

Aucune excuse

Sur le prix final pour le consommate­ur, Adrien Boeuf fait aussi la démonstrat­ion : « Les prix du rouge bio sont entre 8 et 12€ la bouteille. C’est dans les domaines bling-bling qui font du marketing que les prix s’envolent, et sont même plus élevés alors qu’ils sont en convention­nel ! Le bio ouvre des possibilit­és de valorisati­on et répond à la demande des consommate­urs ». Quant au surcoût du désherbage mécanique : « Tout l’argent que le succès du vin rosé génère depuis des années peut largement payer une déchausseu­se ou l’emploi d’un saisonnier quelques jours de plus. C’est tout à fait supportabl­e par rapport à la plus-value, en bio comme en non-bio. Donc il n’y a aucune excuse ». Ensemble, ils concluent : « Le désherbant, c’est la facilité, le bio, c’est la volonté ».

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(Photos Dylan Meiffret) Pour Adrien Boeuf, qui a repris les terres de son grand-père, « la demande des consommate­urs existe et la valorisati­on du vin permet de payer le désherbage mécanique ».

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