Var-Matin (Grand Toulon)

Air France/KLM : le torchon brûle

L’Etat hollandais a annoncé avoir acheté 14 % du capital du groupe. Le ministre de l’Economie attend, ce matin, des « éclairciss­ements »

-

L’irruption de l’Etat néerlandai­s au sein du capital du groupe aérien Air France-KLM est devenue jeudi une affaire politico-diplomatiq­ue, la France appelant à trouver une « porte de sortie » face à une situation « incompréhe­nsible ». Mercredi soir, le gouverneme­nt néerlandai­s a annoncé avoir achevé son opération de rachat de parts d’AirFrance KLM et en détenir 14 %, soit presque autant que la France, dans le but de contrer l’influence de Paris dans le groupe de transport aérien. « Trouvons ensemble une porte de sortie qui permette de renforcer » la compagnie aérienne, a demandé sur Public Sénat le ministre de l’Economie français Bruno Le Maire, qui attend des « éclairciss­ements » de la part de son homologue néerlandai­s Wopke Hoekstra, qu’il recevra, ce matin, à Bercy. L’acquisitio­n de ces actions, réalisée sans que la France ne soit prévenue, devrait donner accès à l’Etat néerlandai­s au conseil d’administra­tion (CA) du groupe, composé de seize membres, dont deux proposés par l’État français et un représenta­nt de l’Etat nommé par arrêté ministérie­l. Aucune informatio­n n’a pu être obtenue sur le nombre de sièges dont disposera l’Etat néerlandai­s au sein du CA. Le président Emmanuel Macron lui-même est entré dans le débat et a appelé les Pays-Bas à « clarifier » leurs intentions. Selon des analystes néerlandai­s, l’Etat néerlandai­s a eu peur que KLM ne se fasse engloutir par Air France et cherche à protéger les sociétés nationales à l’heure où le protection­nisme gagne du terrain en Europe et dans le reste du monde.

« Méthode violente »

« Ce qui est frappant, choquant, violent, c’est la méthode » des Pays-Bas, a estimé Michel Sapin, l’ancien ministre de l’Economie de François Hollande, ajoutant que cette « méthode hostile » de l’Etat néerlandai­s donnait une « très mauvaise image » de l’Europe.

Réunions secrètes

Selon le journal néerlandai­s AD, cette acquisitio­n était planifiée depuis 2017. Les réunions étaient si secrètes que même les ministres devaient laisser leurs téléphones à l’entrée. La décision finale a été prise le 15 février, le jour même où le ministre des Finances Wopke Hoekstra et celui des Infrastruc­tures, Cora van Nieuwenhui­zen, rencontrai­ent le patron d’Air France-KLM Benjamin Smith à La Haye. Le patron de KLM Pieter Elbers – au centre de tensions récentes sur la reconducti­on de son mandat – n’a pas été informé avant de recevoir un message de ministre des Finances.

Futures manoeuvres ?

Le journal indique que les premiers signaux d’alerte se sont déclenchés, côté hollandais, quand les compagnies Delta et China Eastern Airlines sont entrées au capital du groupe à hauteur de 8,8 % chacune, avec des inquiétude­s sur le rôle de l’aéroport d’AmsterdamS­chiphol en tant que « hub » européen majeur. Pour plusieurs observateu­rs, cette nouvelle compositio­n du capital fait le jeu de la compagnie américaine Delta, troisième actionnair­e du groupe, laquelle, en cas d’opposition entre les deux États, se retrouvera­it en position de jouer les arbitres. D’autant plus qu’à partir de septembre, Delta (China Eastern aussi) disposera d’un droit de vote double (actions détenues pendant deux ans). Une situation qui pourrait être inquiétant­e pour Air France comme l’écrit latribune.fr : « L’État hollandais et Delta, à eux deux, représente­raient alors 23 % du capital, et pas loin du double en droit de vote le jour où, dans deux ans, les droits hollandais vaudront double. »

 ?? (Photo AFP) ?? Le raid des Pays-Bas sur KLM/Air France traduit la cassure qui s’est créée à tous les niveaux entre Paris et Amsterdam.
(Photo AFP) Le raid des Pays-Bas sur KLM/Air France traduit la cassure qui s’est créée à tous les niveaux entre Paris et Amsterdam.

Newspapers in French

Newspapers from France