Faux pas européens
Mais que se passe-t-il dans l’Union européenne (UE) ? Tout semble s’y dérégler. Il y avait déjà le Brexit qui n’en finit plus de se compliquer, la dérive préoccupante des démocraties dites illibérales à l’Est, l’inquiétante évolution de l’Italie, le refus de Bruxelles de donner son feu vert à la fusion d’Alstom et Siemens pour créer un géant de la construction ferroviaire capable de concurrencer le mastodonte chinois CRRC. Et voici que deux pays fondateurs de l’UE, dirigés par des gouvernements europhiles, se lancent dans un affrontement capitalistique sauvage autour du groupe Air France-KLM ( milliards d’euros de chiffres d’affaires, salariés) ! Comment se fait-il que deux pays amis, la France et les Pays-Bas, ne soient pas capables de se parler sur le devenir de cette compagnie née de la fusion en d’Air France et de KLM ? Mercredi matin, le gouvernement français reçoit un véritable camouflet lorsque est révélé le passage de l’Etat néerlandais de % à % du capital du groupe aérien franco-hollandais. Personne à La Haye, siège du gouvernement des PaysBas, n’a jugé bon d’informer Paris qui tombe des nues devant cet assaut qui place les deux pays au même niveau dans le capital du groupe. C’est donc une histoire vieille de seize ans qui finit en imbroglio et rivalités nationales. Bref, le contraire de l’esprit européen. Quand Air France acquiert , % de KLM en , la compagnie batave bat de l’aile mais, depuis, elle a repris son envol au point de représenter à présent % du résultat d’exploitation du groupe tandis que Air France est allé de crise en crise. Bref, l’amertume a grandi et s’est transformée en agressivité avec la volonté du nouveau patron d’Air France-KLM, le Canadien Ben Smith, d’entrer au sein du conseil de surveillance de KLM pour développer plus encore l’intégration entre les deux compagnies. Après un sévère affrontement, il gagne la partie mais fait aussi des concessions : le directeur général hollandais de KLM, un temps menacé, est maintenu à son poste et nommé directeur général adjoint du groupe. Ce n’est pas assez pour le gouvernement de La Haye qui organise alors en douce sa montée dans le capital de la compagnie au nez et à la barbe du pouvoir français. Nous en sommes là d’une affaire qui, au fond, montre : . que Paris a trop négligé au fil des ans La Haye dans la gestion du groupe et sans doute fait preuve d’arrogance ; . que l’Europe souffre encore de forts relents nationalistes. La croyance en l’Europe, en tout cas, ne peut qu’en pâtir.