Bière et café payés cash, fausses factures en prime
De vrais patrons de bars ont payé en liquide des achats de boissons, qui donnaient lieu à des facturations fantaisistes. Le distributeur acceptait ces facilités, pour ne pas perdre ses clients
Les uns tenaient à payer en liquide. Les autres établissaient de fausses factures. C’est ainsi que café, bière, vin et sirops ont atterri dans des bars de Toulon, Sanary, La Londe, SaintTropez ou la Croix-Valmer. En flirtant avec l’illégalité. Hier matin, trois cafetiers, quatre salariés d’un distributeur de boissons, ainsi que leur ancien patron, ont comparu devant le tribunal correctionnel de Toulon, se rejetant souvent l’initiative de cette « combine » que l’enquête a chiffrée à 400 000 euros sur deux ans. « Une culture de l’arrangement, qui permet de recycler de l’argent sale », a estimé le ministère public.
Occultes
Même si la somme globale est conséquente, elle doit être nuancée. Déjà, le principal bénéficiaire de ces facilités, un cafetier toulonnais du bord de mer, n’est pas sur le banc des prévenus, vu qu’il a fait l’objet d’une enquête distincte autour de caisses enregistreuses permettant des encaissements occultes. Au vu du montant des achats de boissons ici en jeu (moins de 25 000 euros selon la défense, plus du double pour le parquet), cette deuxième affaire reste la queue de comète de la première.
Relaxe des cafetiers
Le tribunal a d’ailleurs relaxé les trois cafetiers, à qui on reprochait une complicité de faux et d’usage de faux. Des griefs que les juges ont exclus, quand bien même les cafetiers ont peiné à expliquer l’origine de l’argent liquide. « Le grand perdant, c’est le fisc, l’État, a insisté la procureure. Ainsi que les autres commerçants qui s’appliquent les règles de droit .» « Je payais en liquide, je chargeais la marchandise et je partais. Je n’avais pas besoin de factures », livre, mine de rien, un patron de bar de Sanary. Les regards se tournent vers ce distributeur de boissons, conciliant. « Si les gens ne le demandaient pas, on ne le faisait pas », tente l’ancien patron de l’entité toulonnaise. « Pourquoi de fausses factures ? », questionne le tribunal. « Par stupidité », se borne-t-il à répondre. Avait-il donné des instructions à sa secrétaire « qui agissait sur ordre »?« Oui… Forcément », lâche-t-il après un silence. Parfaitement fausses, les factures étaient établies auprès de clients fictifs, « leurs noms pris dans le calendrier », ou bien mises au compte d’inoffensives associations de joueurs de boules… Celles-ci ignoraient tout de la manoeuvre. Les ex-commerciaux indiquent que cela concernait une part infime de leur portefeuille – neuf clients sur près de 400. « C’était insignifiant par rapport au chiffre d’affaires annuel », appuie le patron. « Je ne l’ai jamais fait de mon initiative », dit une commerciale. « Les clients étaient très
sollicités par la concurrence », décrit un autre. Pour tous, le tribunal a exclu le recel de fraude fiscale – suivant des arguments de la défense – et prononcé des peines d’amende. Pour les commerciaux et la secrétaire, 3 000 euros avec sursis ; et pour le patron,
5 000 euros (dont 2 000 avec sursis). Huit ans après le début de l’enquête, sept ans après les premières mises en examen, au terme de quatre heures d’audience, la justice est passée.