Var-Matin (Grand Toulon)

Affaire Karachi : procès en octobre pour les protagonis­tes du financemen­t de campagne de Balladur

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Dix-sept ans après l’attentat de Karachi, le premier procès : six protagonis­tes de cette affaire hors norme seront sur le banc des prévenus en octobre à Paris, a-t-on appris hier, pour répondre des soupçons de commission­s occultes en marge de la campagne présidenti­elle 1995 d’Édouard Balladur. Le 8 mai 2002, une voiture piégée précipitée contre un bus transporta­nt des salariés de la Direction des chantiers navals (DCN) basée à Cherbourg explosait à Karachi, tuant quinze personnes dont onze employés français, et en blessant douze autres. Tous travaillai­ent à la constructi­on d’un des trois sousmarins Agosta vendus en 1994 au Pakistan par la France, sous le gouverneme­nt Balladur. L’enquête terroriste avait privilégié au départ la piste al-Qaïda. Elle finira par s’en éloigner en 2009 et explore depuis les possibles liens, qui ne sont pas confirmés à ce jour, entre cette attaque et l’arrêt du versement de commission­s après l’arrivée au pouvoir de Jacques Chirac en 1995. Mais l’examen de ce mécanisme de rétrocommi­ssions, noué en marge du contrat Agosta et de la vente de frégates à l’Arabie saoudite (contrat Sawari II), a conduit à révéler un possible financemen­t occulte de la campagne de M. Balladur en 1995. Pour examiner ce nouveau volet financier, une seconde enquête avait été ouverte en 2011, déclenchée par des plaintes de familles.

 millions d’euros de commission­s

En juin 2014, les juges Renaud van Ruymbeke et Roger Le Loire ordonnaien­t le renvoi en correction­nelle des principaux protagonis­tes. Cinq ans après et de nombreuses péripéties judiciaire­s plus tard, les six prévenus sont finalement convoqués du 7 au 31 octobre devant la 11e chambre du tribunal correction­nel de Paris pour être jugés pour « abus de biens sociaux » et « recel ». Trois sont issus du monde politique : Nicolas Bazire, ex-directeur de campagne d’Édouard Balladur et aujourd’hui un des dirigeants du groupe de luxe LVMH ; Renaud Donnedieu de Vabres, conseiller à l’époque du ministre de la Défense François Léotard ; Thierry Gaubert, alors membre du cabinet du ministre du Budget de Nicolas Sarkozy.

(1) Ils comparaîtr­ont aux côtés de Dominique Castellan, ancien patron de la branche internatio­nale de la DCN (maintenant Naval Group) ainsi que de l’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine et de l’intermédia­ire espagnol d’origine libanaise Abdul Rahman Al Assir. Ces deux derniers sont considérés comme des membres d’un réseau, le « réseau K », dont les juges d’instructio­n ont acquis la conviction qu’il a perçu l’équivalent de 327 millions d’euros de commission­s. Un réseau « inutile » et imposé en fin de négociatio­ns pour enrichir ses membres et financer par des rétrocommi­ssions la campagne d’Édouard Balladur, selon les magistrats. 1. Les cas d’Édouard Balladur et de François Léotard, qui relèvent de la Cour de justice de la République, ont été disjoints. L’ancien Premier ministre et son ministre de la Défense ont été mis en examen en mai et juillet 2017 pour « complicité d’abus de biens sociaux ». Nicolas Sarkozy, qui tenait le portefeuil­le du Budget à l’époque, a pour sa part été entendu comme témoin par la CJR.

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