Var-Matin (Grand Toulon)

Nathan Ambrosioni, un cinéaste très précoce Six-Fours

Ce jeune réalisateu­r de 19 ans, qui est comparé à Xavier Dolan, présente son film Les Drapeaux de papier au cinéma Six n’étoiles demain soir. Rencontre chez lui près de Grasse

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

C’est une maison paisible, nichée au sommet d’une colline, juste avant l’entrée du village de Peymeinade, proche de Grasse. Un foyer familial avec son jardin, ses chien et chat, et le soleil couchant pour iriser les crêtes. Mais pour Nathan Ambrosioni, jeune Mozart du 7e art, ce fut aussi son premier décor de cinéma. Là où il aventurait ses copains d’enfance, pour leur faire vivre les frissons d’un film d’horreur. Eux couraient à travers les bois, lui tenait sa caméra au poing. Les premières armes d’une vocation. « J’avais de la chance d’avoir des amis qui acceptaien­t de s’allonger dans une fosse en pleine forêt, pour jouer les cadavres ensanglant­és », se marre le jeune homme, salué par la critique et le public pour Les drapeaux de papier. Un premier (vrai) long-métrage tourné dans la région, qu’il a présenté dimanche à Mouans-Sartoux, lundi à Valbonne, ce jour à Cannes et donc demain soir à Six-Fours. Sous le regard bienveilla­nt de ses parents, Nathan Ambrosioni revient sur son itinéraire d’enfant doué, travailleu­r, et surtout passionné. Il nous parle évidemment de Cannes, de Xavier Dolan auquel on le compare, et de son deuxième film, en préparatio­n. Interview ? Ça tourne ! Les Drapeaux de papier, un joli drame qui dépeint une relation frère-soeur, mais aussi le difficile retour à la liberté d’un jeune garçon, après  ans de détention. Mais c’est Esther ,un film d’horreur, qui a jadis tout déclenché ? À  ans, alors que j’avais trop peur de regarder des films d’horreur, mes copains m’y ont un peu contraint. Dès que ça criait, je baissais le son, même la musique me terrifiait ! Mais j’ai découvert ce jour-là que le cinéma pouvait procurer des émotions aussi fortes et à partir de là, je suis allé en salles pour voir tous les films d’horreur.

Qu’est-ce que ce genre vous a apporté de particulie­r ? C’est un univers tellement codifié, et en même temps, on peut essayer plein de choses, on peut même oser le kitch. Un peu de ketchup, une forêt, et on peut vite s’amuser. À Peymeinade, J’avais deux amies, Luna et Julie, qui faisaient du théâtre. Je les embarquais avec moi tous les week-ends. Je faisais aussi du piano, mais je me suis tout de suite dit que le cinéma, ça pouvait être un métier.

Déjà cinéaste, à  ans ? En tout cas, je me sens réalisateu­r. J’ai signé un contrat et j’ai été payé pour faire un film. J’en suis fier, car j’ai dû aussi travailler énormément pour ça.

Pour Les Drapeaux de papier, vous avez réussi à imposer vos choix. C’est aussi cette volonté qui vous a permis d’accéder à ce milieu qui n’était pas le vôtre ? C’est mon premier film, je n’avais pas envie de me faire manger (sic) par l’équipe car je l’avais vraiment en tête, alors j’ai choisi les artistes et technicien­s que j’aimais bien, avec lesquels je pouvais travailler. Pour moi, le réalisateu­r, c’est vraiment celui qui doit insuffler quelque chose à l’équipe. Ce n’est pas le capitaine ni le maître, mais plutôt un guide. Votre film parle de liberté. C’est ce que vous aimez dans le cinéma, la liberté de créer ? On ne peut pas y faire ce qu’on veut, mais on peut imaginer ce qu’on veut, et faire en sorte que ça se matérialis­e. Le cinéma est un métier, un choix, un privilège, une chance, mais il faut continuer de travailler dur pour y conserver sa place. Il faut se donner les moyens de sa passion !

Vous avez toujours aimé raconter des histoires ? À - ans, j’avais un vieux caméscope et j’utilisais l’arrêt sur image pour faire des montages, bricoler des remakes de Harry Potter. J’écrivais aussi des histoires fantastiqu­es que je distribuai­s à mes copains d’école. C’étaient deux enfants avec des pouvoirs dans des mondes parallèles. J’en rédigeais les vingt premières pages avec l’idée d’en faire un livre, mais je ne le finissais jamais ! (rires).

Les Drapeaux de papier a reçu deux prix du public. Un film doit forcément lui plaire ? On ne le fait pas pour ça au départ, et quand j’écris un scénario, je pense avant tout à ce que j’aimerais voir moi. Mais ce que j’adore au cinéma, ce sont les émotions partagées, la peur, le rire, les larmes, et ça n’aurait aucun intérêt de faire des films qui ne plaisent qu’à moi.

À cause de votre précocité, on vous compare souvent à Xavier Dolan. Vous le vivez comment ? Ça me flatte, car je suis admiratif de son travail, et c’est vraiment grâce à lui que je me suis dit : « j’aime autre chose que les films d’horreur, et le cinéma ne fait pas que peur ». On nous compare à cause de l’âge, mais pour moi, ça reste un maître. L’avantage, c’est qu’à force d’en parler, ça lui est revenu aux oreilles et il m’a adressé récemment un message d’encouragem­ent. Il me suit sur Instagram, c’est motivant. La première fois que vous avez vu son film Mommy, c’était presque par erreur ? ! (Rires). C’était la fête des mères et je croyais regarder une comédie, légère et romantique, avec maman. Au début, je le regardais distraitem­ent, avec un oeil sur mon téléphone, mais au bout d’un moment, j’étais cloué à mon fauteuil ! (sa mère, Laurence, intervient : «moi aussi, ce film m’a tellement bouleversé­e que je ne peux plus le regarder ! »). Après ça, je me suis mis à manger encore plus de cinéma, et surtout, tous types de cinéma. Grâce à Xavier Dolan, je me suis dit aussi qu’il n’y avait pas d’âge pour débuter dans le cinéma. Vous avez envoyé le scénario des Drapeaux de papier à plusieurs boîtes de production, que vous n’avez cessé d’appeler. Audace et persévéran­ce ? Je savais que le cinéma ne viendrait jamais me chercher ici, dans mon petit village du sud de la France. Alors j’ai dû être vraiment persévéran­t pour en franchir les murs.

Le rôle du frère est tenu par Guillaume Gouix, qui a fait l’école d’acteur à Cannes... Je ne savais pas du tout quand je l’ai choisi. Je l’ai découvert en cannibale dans Les Revenants, c’est un acteur qui a toujours accompagné mon imaginaire.

Le Festival de Cannes, vous y pensez forcément ? Mon film s’est terminé trop tard pour y postuler en , et tout ce que j’avais envie, c’était de le montrer enfin. Mais depuis que j’ai  ans, je vais au Festival avec un badge de réalisateu­r obtenu au marché du film. Hélas, je n’ai jamais pu assister à une projection officielle en présence de l’équipe du film. Pour Juste avant la fin du monde de Xavier Dolan, j’ai attendu quatre heures dans un smoking cheap, mais impossible d’entrer dans la salle. Ça me motive pour y retourner !

Vous avez aussi été interdit à la projection de l’un de vos films ! (Rires) Oui, c’était dans un gros festival d’horreur à Londres en . Avec mon actrice, j’ai présenté le film aux spectateur­s dans la salle, mais comme toutes les projection­s étaient interdites aux moins de  ans, on m’a renvoyé en coulisses ! Du coup, on en a vu un autre en douce…

Le cinéma est un métier, un choix, une chance... ” Je savais que le cinéma ne viendrait pas me chercher ”

Votre second long-métrage ? Avec Audrey Diwan (La French )on vient de finir le scénario. C’est un drame familial qui vire au fantastiqu­e. Un film un peu déjanté qui parle de tabous dans notre société, mais aussi du passage à l’âge adulte. Il sera beaucoup plus proche de moi, même si le rôle principal est tenu par une fille. Hugo Sélignac (Le Grand bain) produit, lui qui a accès à tout le monde dans ce métier. Ça me permet de rêver mon casting. On espère le tourner dans le coin cette année.

demain soir à 20 h 30 au cinéma Six n’étoiles de Six-Fours en présence du réalisateu­r. Drame d’1h42 avec Guillaume Gouix et Noémie Merlant. Tarif normal : 7.90

 ?? (Photo Eric Ottino) ?? Regard bleu malicieux, sourire aux lèvres et allure juvénile, Nathan Ambrosioni sait néanmoins ce qu’il veut, dans son jardin familial de Peymeinade : faire du cinéma !
(Photo Eric Ottino) Regard bleu malicieux, sourire aux lèvres et allure juvénile, Nathan Ambrosioni sait néanmoins ce qu’il veut, dans son jardin familial de Peymeinade : faire du cinéma !

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