Air Cocaïne : qu’y avait-il dans ces satanées valises ?
La cour d’assises spéciale d’Aix-en-Provence est restée la tête dans les nuages hier, toujours soucieuse de déterminer les priorités des deux dirigeants (Pierre-Marc Dreyfus et Fabrice Alcaud) de la société nouvelle trans hélicoptères services (SNTHS), dans la politique commerciale de leur compagnie. Elle l’a fait à nouveau en entendant les pilotes salariés de SNTHS, mais aussi des pilotes free-lance qui sont intervenus à l’occasion sur ses vols. Elle l’a fait aussi en donnant connaissance des déclarations d’Alain Castany, l’apporteur d’affaires des trois vols transatlantiques suspects (lire ci-dessous). Il avait été arrêté le 19 mars 2013 sur l’aéroport de Punta Cana, en République dominicaine, revêtu d’une veste de pilote, alors qu’il n’avait pas cette qualité sur ce vol, faute de licence ni de qualifications valides. Cet exercice de lecture a été imposé par le fait que le cas d’Alain Castany a été disjoint de ce procès, pour raison médicale.
Aviation d’affaires : « Tout est possible »
« Vingt-six bagages pour un seul passager, c’est énorme, avait dit cet ex-pilote de la SNTHS aux policiers de l’Office central de répression du trafic international de stupéfiants (OCRTIS). Dans l’aviation d’affaires, tout est possible, mais je n’ai jamais eu affaire un tel transport. Sinon, je ne serais pas parti, et j’aurais prévenu les douanes. » Cet autre pilote avait effectué quelques missions pour la SNTHS en tant que co-pilote. Dont une au départ du Bourget (région parisienne) et à destination du petit aéroport belge de Sint-Truiden le 5 décembre 2011, qui lui a laissé des souvenirs. « On partait vers un terrain pas équipé pour une approche aux instruments, ce n’est pas courant. On avait un seul passager qui avait huit à dix valises imposantes et lourdes. Entre 30 et 40 kg chacune. Après son départ de l’aéroport, deux membres de l’aéroclub local nous ont dit que ce n’était pas la première fois qu’ils voyaient ce passager avec beaucoup de bagages. Je me suis posé des questions sur le caractère répétitif des vols de ce passager. Ça pouvait laisser penser qu’il se livrait à un trafic. Mais de quoi ? Et puis ces valises étaient passées au filtrage aux rayons X. »
Bagages contrôlés à vue de nez au PIF
Sur ce vol, un an avant le premier vol transatlantique suspect, c’est une femme qui tenait le manche de l’avion, avec treize ans d’expérience dans le pilotage professionnel. « Il fallait se poser aux aurores sur un petit terrain militaire désaffecté, a-t-elle témoigné. Et en cas d’impossibilité météo, le client exigeait que l’on retourne au Bourget, plutôt que de se poser sur l’aéroport de Liège tout proche. Au Bourget, j’avais demandé que ces valises passent au PIF, le “poste inspection filtrage”, mais il n’y avait personne parce que l’heure était trop matinale. Ce qui m’a surprise, c’était le poids, et qu’il n’y ait qu’un seul passager. Au retour, on en a beaucoup discuté avec le co-pilote. J’en ai parlé à mon employeur Pierre-Marc Dreyfus, en disant qu’il y avait quelque chose de bizarre sur ce vol. Il m’a répondu que je fabulais et qu’on n’était pas là pour se préoccuper de ce qu’on transportait. » Après cet incident, la pilote avait trouvé plusieurs excuses pour éviter de faire les deux vols suivants vers Sint-Truiden. Elle avait démissionné dans la foulée. Quant à savoir ce que pouvaient bien contenir ces lourdes malles, cet aspect de la procédure qui, comme l’a souligné Me Dupond-Moretti a abouti à un non-lieu, a évoqué du transport d’or, en provenance de l’île d’Antigua aux Caraïbes, et destiné à être refondu aux Pays-Bas.