L’amiral Lebas : « Comprendre la mutation de Daech et éviter toute résurgence »
Frappée, meurtrie sur son propre sol par les attaques terroristes, la France est l’un des principaux acteurs au sein de la coalition internationale contre Daech. Que ce soit à Ramadi, Mossoul ou Raqqa, elle a été de toutes les batailles. De toutes les reconquêtes. Au moment où les djihadistes sont sur le point de perdre leur dernier territoire en Syrie, le groupe aéronaval, constitué autour du porte-avions Charles-de-Gaulle, a appareillé mardi matin de la base navale de Toulon. Pour commander cette Task Force 473, le contre-amiral Olivier Lebas est à la tête d’un état-major embarqué de 80 personnes. Entretien.
Que va apporter le Charles-de-Gaulle aux derniers combats contre Daech ? À nouveau un surcroît d’efforts à un moment clé. Les combattants de Daech sont très mobiles, agiles. Pour intervenir, les préavis sont très courts. Si l’on veut pouvoir apporter à tout moment un appui aérien aux troupes engagées au sol, il faut avoir des avions en vol en permanence. Les vingt Rafale embarqués constituent donc un renfort non négligeable. Mais au-delà de leur participation à la chute du dernier réduit de Daech, les avions français, y compris les Hawkeye d’ailleurs, seront utiles pour comprendre la mutation de l’organisation terroriste, comment Daech se réorganise et, si besoin, pour détruire ses résurgences.
En allant vous positionner devant les côtes syriennes, ne craignez-vous pas l’attitude de la marine russe ? La liberté de navigation est un principe fondamental du droit de la mer. Lors de précédentes opérations devant la Syrie, notamment à hauteur d’Alep, le groupe aéronaval russe, constitué autour du porte-avions Kouznetsov, était dans la même zone. Tout s’est très bien passé. On a pu évoluer où nous voulions. Les marins russes, très professionnels, n’ont pas cherché à faire monter le niveau de tension. Mais il existe des règles de déconfliction entre nos deux puissances.
La mission Clemenceau ne se limite pas à la participation du groupe aéronaval aux combats contre Daech. Quid de votre passage dans l’océan Indien ? Cette région, par laquelle transite une part très importante du flux commercial mondial, a été jugée prioritaire dans la revue stratégique. Pour l’économie française et européenne, il est important que cette région reste stable. En y étant présents régulièrement, en travaillant avec les États riverains comme l’Inde ou l’Australie, nous contribuons à cette stabilité. Cela nous permet également de mieux comprendre l’environnement, d’anticiper pour ne pas être surpris par de nouvelles menaces. Pour la France, ce déploiement est aussi l’occasion de rayonner et de montrer qu’elle est une puissance navale.
Ancien pilote de chasse, vous avez commandé la flottille F lors de l’opération Enduring Freedom en Afghanistan. Selon vous, comment le porte-avions a-t-il évolué ? Depuis ans, les performances du Charles-de-Gaulle ,etplus généralement du groupe aéronaval, n’ont cessé de s’améliorer. La montée en puissance du Rafale, un avion d’une grande polyvalence dessiné pour armer le porte-avions, y est pour beaucoup, bien sûr. Mais plus largement, la frégate de défense aérienne Forbin, ou les frégates multimissions Provence et Languedoc qui accompagnent le porte-avions sur cette mission, participent aussi à l’amélioration des performances du groupe aéronaval.