Var-Matin (Grand Toulon)

Harcèlemen­t : rester à l’écoute coûte que coûte Prévention

Il n’y a pas d’âge pour souffrir des moqueries, du regard des autres. Mais à l’adolescenc­e, il peut avoir des effets encore plus dévastateu­rs. Il est impératif de les repérer

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

Des regards moqueurs, des insultes, des coups... le harcèlemen­t - notamment scolaire - peut revêtir de multiples facettes. Mais s’il y a bien un point commun entre toutes ces formes, c’est bien la souffrance ressentie par les victimes. Des enfants ou adolescent­s qui bien souvent n’osent pas parler. Par honte ou par peur des représaill­es. Ils s’enfoncent alors dans une spirale faisant de leur quotidien un enfer. Pourtant, il est possible, pour les adultes qui les entourent, de repérer quelques signes. «Leplus évident, c’est la chute du rendement scolaire, constate le Dr Georges Juttner, pédopsychi­atre. L’effondreme­nt des résultats est révélateur du mal-être. »

Repli sur soi

L’enfant souffre, il n’a donc plus le courage de travailler ses cours, qui lui semblent anecdotiqu­es à côté de ce qu’il vit. Autre symptôme : «Le repli sur soi. La victime va se taire, se murer dans le silence. Il sera plus difficile de communique­r avec elle, note le profession­nel de santé. Des troubles du comporteme­nt, parfois graves peuvent aussi apparaître selon la personnali­té de l’enfant. Certains se mettent en retrait quand d’autres adoptent une posture de défense, jusqu’à manifester des crises de colère. » Lorsque l’on souffre, le comporteme­nt change. Et même si l’adolescenc­e est une période de modificati­ons, les changement­s brutaux, qui viennent véritablem­ent surprendre l’entourage, doivent être observés comme la manifestat­ion d’une émotion « Il y a l’idée d’un comporteme­nt qui fait figure de rupture par rapport à la situation antérieure », résume le pédopsychi­atre. Autre signe facilement repérable si l’on y prête attention, « les changement­s dans les habitudes vestimenta­ires. Ils sont associés aux moqueries à connotatio­n sexuelle ou aux actes « Rechercher chez le bourreau ce qui le pousse à agir ainsi »

Dr Georges Juttner à caractère sexuel. Par exemple un jeune ne va plus mettre de jogging, un vêtement mou sur lequel on peut tirer facilement, pour porter plutôt un jean, une ceinture, des bretelles comme s’il voulait se parer d’une armure pour se protéger » , note le Dr Juttner. Si le harcèlemen­t peut concerner tous les âges de la vie, depuis l’école jusqu’au monde profession­nel, lorsqu’il survient à l’adolescenc­e, il fait encore plus de ravages.

Il faut aider tout le monde : la victime et le bourreau

« C’est une période au cours de laquelle les propres repères changent. A un moment, le jeune ne sait plus à quoi attribuer la méchanceté : aux autres ou à lui-même. C’est d’autant plus complexe qu’il peut éprouver de la réticence à se confier, il ne veut pas devenir “le traître qui a dénoncé”. » Pour autant, le médecin refuse d’adopter une vision manichéenn­e. «La bêtise serait de dire qu’il y a des gentils et des méchants. Non, il faut aider tout le monde : la victime bien sûr, mais il faut aussi rechercher du côté du bourreau ce qui le pousse à agir comme ça. N’a-t-il pas ses propres difficulté­s, par exemple celle de s’intégrer dans le groupe et de lui montrer sa fidélité ? Ne craint-il pas lui aussi d’être exclu du groupe ? En lui tendant la main, il se peut qu’on résolve une grande partie du problème. »

Jusque dans la maison

Il existe une donnée spécifique à notre siècle ; l’avènement du numérique et des smartphone­s qui fait que l’enfant ne coupe jamais totalement le lien avec les autres. Donc le harcèlemen­t, qui auparavant cessait à la maison, se poursuit désormais à toute heure et en tous lieux. Le Dr Juttner conclut : « La question du harcèlemen­t est un sujet complexe qu’il faut traiter subtilemen­t. Il est impératif d’ouvrir la discussion avec celui dont le comporteme­nt a manifestem­ent changé, en faisant preuve d’écoute et de bienveilla­nce. »

Psychiatre

 ?? (Photo d’illustrati­on M.A.) ?? Les enfants sont parfois cruels les uns envers les autres. Pour les victimes, il est souvent difficile de parler.
(Photo d’illustrati­on M.A.) Les enfants sont parfois cruels les uns envers les autres. Pour les victimes, il est souvent difficile de parler.
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