Une arme contre le harcèlement des adolescents sur les réseaux sociaux
Multimédia et cinéma mènent à tout. Serena Villata, en poursuivant ses études dans le domaine de l’informatique, a intégré le CNRS en 2012. Depuis, elle porte, au sein du laboratoire I3S, un projet de développement d’un module contre le cyberharcèlement. Tous les réseaux sociaux sont concernés. Mais la jeune Italienne s’est concentrée sur Instagram, en raison de la prédilection des très jeunes gens pour cette plate-forme de partage de photos. Les conséquences peuvent être graves, certains ados étant poussés au suicide. À partir de quel moment parle-t-on de harcèlement ? « C’est un point très important. Car il faut distinguer le cyberharcèlement de ce que nous appelons le ‘‘hate speech’’, qui recouvre des insultes auxquelles les adolescents, parfois, entre eux, peuvent être consentants. Dans le premier cas, nous sommes en présence d’une seule victime, attaquée par plusieurs harceleurs. Lesquels, en général, se connaissent entre eux, faisant parfois partie de la même classe ou du même établissement scolaire. » Parmi les indicateurs ou signaux à prendre en compte : des mots clés bien sûr, mais également la sémantique au sens large, ainsi que la structure du réseau. Bien sûr, le harcèlement n’a pas attendu Internet pour exister. « La grande différence, c’est qu’il s’arrêtait quand on rentrait à la maison, enceinte sécurisée. Aujourd’hui, le phénomène s’exerce à l’école mais il se prolonge au domicile. Avec le smartphone, plus de frontière. L’impact sur les jeunes est beaucoup plus important. »
Misogynie, racisme, homophobie
Ce n’est pas très encourageant : racisme, homophobie et misogynie sont au coeur de nombreux faits de cyberharcèlement. «Les ados ne veulent pas en parler explicitement à leurs parents. Se sentant coupables, pour les jeunes filles, d’avoir peut-être posté une photo imprudente : il peut suffire d’une pose en maillot de bain, décente, normale. Qui, théoriquement, ne devrait poser aucune difficulté. » Serena Villata travaille sur ce projet avec une autre chercheuse, Elena Cabrio, en partenariat avec l’université de Trento et la Fondation Bruno Kessler, en Italie. Le module y est utilisé à titre expérimental, à charge pour le corps enseignant d’agir lorsqu’un cas est repéré. Prochaine étape : l’extension de l’expérience aux établissements des Alpes-Maritimes intéressés. Dans le courant de cette année. À terme, l’analyse des messages sera couplée avec celle des images. « Nous, les humains, sommes capables de déceler les situations de cyberharcèlement très facilement. La difficulté, c’est de traiter en temps réel des millions de messages échangés chaque jour sur les réseaux sociaux. C’est le grand avantage que nous apporte l’intelligence artificielle. »