L’incertitude d’un titulaire de bail emphytéotique
Neuf ans avant la fin de son bail emphytéotique et dans l’incapacité de racheter « sa » maison, un habitant du Pousset fait part de son expectative, renforcée par les fréquentes inondations
Pour tordre le cou à l’idée selon laquelle les bénéficiaires de baux emphytéotiques profitent d’une situation financière extrêmement avantageuse, comparativement au marché libre de l’immobilier, nous avons rencontré l’un d’entre eux. Dans l’incapacité de racheter « son » bien, mais souhaitant y finir ses jours, il vit dans l’espoir d’une reconduction de bail ; que ce soit en bail ordinaire comme le cahier des charges l’autorise, ou en nouveau bail emphytéotique. C’est en décembre 1978 que ce couple s’installe au Pousset en prenant la suite du constructeur de la maison. La transaction est de l’ordre de 500 000 francs pour un terrain de 890 m2 et sa maison de 80 m2 construite dans les années 1950. « On ne m’a pas transmis de cahier des charges et le flou sur la reconduction du bail était entretenu par l’agence immobilière et le notaire », raconte cet homme qui souhaite conserver l’anonymat. Son épouse : « Si on avait su l’incertitude dans laquelle cela nous a plongés, on n’aurait jamais acheté... » Le couple réalise des travaux pour 300 000 francs environ, chauffage au sol, cuve de gaz enterrée, panneaux photovoltaïques pour l’eau chaude sanitaire... Il règle un loyer mensuel qui atteint aujourd’hui 250€, une taxe d’habitation de 950€ et une taxe foncière de 960€ .« Ona acheté notre maison en arrivant et on paie un loyer depuis quarante ans. Je ne comprendrais pas qu’on nous impose un loyer de plus de 1000€ à l’extinction du bail », confie la locataire.
Ils hésitent à lancer des travaux
« Ce n’est qu’en 1994, à la création de l’association des propriétaires et locataires sur baux emphytéotiques d’Hyères (APLBE) que j’ai compris que mon bail de 70 ans s’éteindrait en 2028, reprend l’intéressé. Le bail serait étendu à 99 ans si nous faisions un étage, mais les fondations ne permettent pas un étage en dur, peut-être en bois... » Alors que la toiture aurait bien besoin d’être refaite, ces locataires hésitent à se lancer dans des travaux, ne sachant pas s’ils seront toujours dans les murs dans neuf ans, et victimes régulières d’inondations dans le quartier. « Nous n’avons pas les moyens de racheter le bail pour devenir propriétaires, reprennent-ils. Quelle banque serait prête à accorder un crédit pour des clients âgés de 73 et 75 ans ? »
Racheter ou étendre la durée du bail
La réglementation a beaucoup évolué à Hyères ces dernières années pour permettre aux locataires de sortir du système emphytéotique. Un arrêté municipal de 2013 ouvrait droit, en cas de rachat, à un abattement sur la valeur vénale du bien, proportionnel au nombre d’années restantes de location. Puis ce fut la clause anti-spéculative, imposée par la Chambre régionale des comptes, qui empêchait toute revente dans les 15 ans suivant le renouvellement du bail, afin de limiter les plus-values abusives. Cette clause a été ramenée à 5 ans par la municipalité actuelle. Enfin, sur l’insistance de l’APLBE, la ville d’Hyères a accepté le principe d’une reconduction de bail emphytéotique de 29 ans en contrepartie de 50000€ HT de travaux d’amélioration de l’habitat : panneaux photovoltaïques, isolation des combles, mur d’enceinte, accessibilité PMR, mise aux normes de l’électricité, etc. Mais pour changer le cahier des charges de chaque lotissement, encore faut-il convaincre la majorité qualifiée des emphytéotes et néo-propriétaires. C’est le cas à la Bergerie et une délibération viendra prochainement entériner un nouveau cahier des charges. À la Capte et au Pousset, il reste environ soixante colotis à convaincre. Et à l’Ayguade, le quota est loin atteint. La ville d’Hyères comprend 709 biens représentant 863 colotis, surtout sur les fractions littorales. Après 235 rachats en pleine propriété, le nombre d’emphytéotes est environ de 620 à ce jour.