Toubon dénonce un recul des libertés
Dans son rapport annuel, le Défenseur des droits pointe un « renforcement de la répression » et réclame l’interdiction des lanceurs de balles de défense
Des étrangers aux « gilets jaunes » en passant par la lutte antiterroriste, le rapport annuel du Défenseur des droits pointe un « renforcement de la répression » en France tout en s’inquiétant d’un «repli» des services publics qui sape la cohésion sociale.
« En France, parallèlement au recul des services publics, s’est implantée une politique de renforcement de la sécurité et de la répression face à la menace terroriste, aux troubles sociaux et à la crainte d’une crise migratoire alimentée par le repli sur soi », résume dans son rapport publié hier cette autorité indépendante chargée notamment de défendre les citoyens face à l’administration. L’institution, dirigée depuis presque cinq ans par l’ancien ministre de droite Jacques Toubon, est toujours plus sollicitée : avec un total de 96 000 dossiers en 2018, le Défenseur des droits a vu les réclamations augmenter de 6,1 % sur l’année et de 13 % sur deux ans.
Du « jamais vu »
Dans son rapport 2018, qui couvre la période d’éclosion du mouvement social, l’institution s’interroge notamment sur « le nombre “jamais vu” d’interpellations et de gardes à vue intervenues “de manière préventive” » lors de certaines manifestations. Selon l’institution, les directives des autorités pour gérer la contestation sociale « semblent s’inscrire dans la continuité des mesures de l’état d’urgence », décrété après les attentats djihadistes du 13 novembre 2015. Ce régime d’exception, resté en vigueur pendant deux ans et dont certaines dispositions ont été conservées dans la loi, a agi comme une « pilule empoisonnée » venue « contaminer progressivement le droit commun, fragilisant l’État de droit », estime le rapport. Pour le Défenseur, il a « contribué à poser les bases d’un nouvel ordre juridique, fondé sur la suspicion, au sein duquel les droits et libertés fondamentales connaissent une certaine forme d’affaissement ». L’institution, qui a ouvert plusieurs enquêtes sur le maintien de l’ordre des récentes manifestations, a d’ailleurs constaté en 2018 un bond de près de 24 % des réclamations liées à « la déontologie de la sécurité », dont la majorité concerne l’action de la police. Mais sur les 1 520 réclamations à ce sujet, les manquements à la déontologie de la part de policiers, de gendarmes ou de gardiens de prison concernent « moins de 10 % des cas », a précisé Jacques Toubon devant la presse.
Castaner mécontent
Depuis janvier 2018, le Défenseur prône, par ailleurs, l’interdiction du LBD et de la grenade de désencerclement GLI-F4, deux armes controversées accusées d’avoir blessé, parfois grièvement, des « gilets jaunes ». Sans ces armes, « il restera les armes de poing ou le contact physique » dans les moments d’émeute, a rétorqué, hier, le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, agacé que le Défenseur des droits fasse « la tournée des plateaux pour parler de ces sujets-là ». « J’aimerais que le Défenseur des droits ne néglige jamais les droits des forces de l’ordre », a-t-il insisté.