Var-Matin (Grand Toulon)

La vis sans fin

- de CLAUDE WEILL Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

Stimulées par la crise des « gilets jaunes » et le Grand Débat national, l’inventivit­é fiscale et la passion taxatrice connaissen­t ces jours-ci un nouvel âge d’or. L’imaginatio­n est au pouvoir. A La République en marche et au gouverneme­nt, chacun a sa petite idée. Augmentati­on de l’impôt sur les hauts revenus, retour de l’ISF, rabotage des niches fiscales, taxation des plus-values sur la résidence principale, impôt sur le revenu pour tous (c’est-à-dire pour les  % de ménages qui, aujourd’hui, n’en paient pas), hausse des droits de succession, sans oublier la nouvelle taxe carbone, sociale et indolore (?), réclamée par l’aile verte de la majorité : les projets volent en escadrille. La plupart ont été abattus en vol. Un concours Lépine, a-t-on dit. Plutôt un concours de ball-trap. Pour l’heure, une idée tient la corde, plébiscité­e par le parti du Président : augmenter l’impôt sur la fortune immobilièr­e. Ce qui s’appelle taper sur le même clou, car l’immobilier est déjà lourdement taxé : droits de mutation ( à  %), impôt foncier, IFI au-dessus de , million, droits de succession… Entendons-nous. On a bien compris que la majorité cherche une mesure symbolique pour effacer l’image de « Président des riches » qui colle à Emmanuel Macron. Bien compris aussi que la révolte des « gilets jaunes » et le soutien qu’ils ont trouvé dans l’opinion traduisent une exigence de justice sociale que le gouverneme­nt se doit d’entendre. Mais il y a un hic. Quand un système fiscal et social, pourtant très fortement progressif et redistribu­tif, alimente un profond sentiment d’injustice ; quand, malgré le niveau faramineux des dépenses publiques, on voit s’exprimer sur les ronds-points et dans la France « périphériq­ue » le sentiment d’être relégué, abandonné, de payer toujours plus pour recevoir toujours moins, qui peut croire que la solution consiste à donner un tour de plus à la vis sans fin des impôts et des dépenses ? S’il suffisait de taxer les « riches » pour faire le bonheur du plus grand nombre, ça se saurait. Et Hollande aurait été réélu haut la main. On ne répondra pas à la demande paradoxale des Français (moins d’impôts, plus de service public) par un impôt nouveau, de portée symbolique (ou politique), mais en rationalis­ant la dépense. Dépenser moins, dépenser mieux. Eliminer la gabegie, les doublons, dissoudre les organismes-fantômes. Voilà sur quoi nos gouvernant­s devraient cogiter et se montrer créatifs. A ce jour, on n’a toujours pas vu la queue d’une idée neuve. S’ils sont à court d’imaginatio­n, ils n’ont qu’à se reporter aux oeuvres complètes de la Cour des comptes – un gisement inépuisabl­e d’économies. Ou mieux, au rapport rédigé l’an dernier à la demande des autorités et intitulé : « Service public : se réinventer pour mieux servir ». Une mine. Il n’y a qu’à creuser.

« On ne répondra pas à la demande paradoxale des Français (moins d’impôts, plus de service public) par un impôt nouveau. »

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