Un enquêteur malmené au procès d’Aix
A Aix-en-Provence, un enquêteur a été confronté hier à un témoin qui affirme avoir été poussé à dénoncer Ali Bouchareb, soupçonné d’avoir commandité le trafic. Une version controversée
Je redis que tout notre travail conforte le fait que Ali Bouchareb est “Rayan” .»Un pseudonyme derrière lequel se cache le commanditaire des vols suspects de l’affaire Air Cocaïne. L’enquêteur qui a bouclé ce dossier – titanesque – est revenu hier à la barre de la cour d’assises spéciale des Bouches-du-Rhône, à Aixen-Provence. Le major en retraite avait déjà témoigné au début du procès (nos éditions du 20 février). Il a été de nouveau convoqué pour être confronté à un témoin l’accusant de pression. Au cours de l’enquête, ce témoin avait désigné Ali Bouchareb comme étant le fameux « Rayan ». Le sexagénaire avait ainsi reconnu avoir transporté une somme d’argent à la demande de l’accusé pour la remettre à un intermédiaire de la famille de Frank Colin (lire nos « Repères » ci-contre), alors placé en détention provisoire…
« On a bu une tournée de pastis »
« Le gendarme m’a dit : “Tu es dans une affaire de stups, c’est au minimum vingt ans (...) Si tu veux sortir de la panade, tu dis que c’est lui qui t’as donné l’argent (...) Et tu seras tiré d’affaire” », a répété le témoin hier. Et d’affirmer que l’enquêteur lui a présenté une planche photographique en lui indiquant quel était le suspect à dénoncer devant la juge d’instruction. Avant, selon ce récit, de lui payer un coup à boire. « On s’est mis au bar, on a bu une tournée de pastis, j’ai proposé la mienne qu’il a acceptée. » « Rien n’est vrai », réagit le gendarme mis en cause. « Il a dit qu’il connaissait Ali Bouchareb (qui avait été arrêté en Espagne) sous le nom de Rayan. Il n’a vu aucune photo dans nos bureaux. » Quant à l’épisode du bar : « Je ne bois pas de pastis. On est allé chercher des sandwiches, on a mangé dans la voiture avant de conduire Monsieur au petit dépôt [du tribunal de Marseille]. » Et, poursuit le gendarme, c’est dans le bureau de la juge d’instruction qu’il a reconnu le suspect sur photo. « Je ne sais pas s’il ment parce qu’il se sent menacé… » Pour enfoncer le clou, l’avocat général Marc Gouton, a rappelé que le témoin avait livré de nombreux détails susceptibles d’incriminer Ali Bouchareb. Et que deux personnes avaient confirmé avoir été en présence, à Barcelone, de l’accusé et du témoin. « Je pense que j’ai dû les solliciter pour confirmer ce que j’ai dit », tente ce dernier à la barre de la cour d’assises. Mais dès lors, comment expliquer que le témoin, qui a transporté des fonds présumés illicites, a effectivement bénéficié d’un non-lieu à la différence de l’intermédiaire qui
(1) a récupéré cet argent ? La question est posée par les avocats de la défense, Mes Frank Berton et Philippe Screve, réclamant que « des éléments factuels [soient] vérifiés » d’ici la fin du procès, le 5 avril. Ironie de cet épisode, selon son contradicteur, ce témoin qui revient sur ses premières déclarations était sur le point d’être inscrit comme « indic » par la gendarmerie de Grenoble, avant que son agent traitant ne découvre qu’il était recherché dans l’affaire Air Cocaïne…