Var-Matin (Grand Toulon)

« J’aime la franchise »

A tout juste 20 ans, Malang Sarr s’impose comme l’un des leaders du groupe. Un statut assumé

- VINCENT MENICHINI

Vous venez d’avoir vingt ans, en janvier, et approchez des  matchs en profession­nel, déjà… C’est passé très vite (sourires). Je me souviens de tout mais ce n’est que le début.

En deux ans et demi, il s’est passé beaucoup de choses : ce premier but contre Rennes le jour de l’hommage aux victimes de l’attentat de Nice, la course au titre, la mise au banc. Comment on gère tout ça si jeune ? Je suis passé par toutes les émotions. Cela me permet aujourd’hui d’anticiper certaines choses et de savourer encore plus les bons moments.

Quels ont été les moments les plus pénibles ? La brève période où je n’ai plus du tout joué. J’ai démarré à  ans, tout se passait bien, on jouait le titre. Je pensais que ça ne pouvait pas se passer autrement. Or, le foot, c’est aussi des moments moins sympas. C’est une belle leçon.

On se tourne vers qui quand ça va moins bien ? La famille, les amis et mes conseiller­s. J’ai besoin de transparen­ce, qu’on me dise la vérité. J’aime avoir l’avis du coach, du staff ou de mes coéquipier­s sur mes performanc­es. Quand ça vient de la famille, c’est dur à encaisser, mais c’est sincère.

Vous dégagez beaucoup d’assurance. Cela peut-il vous jouer des tours et laisser penser que vous êtes un peu hautain ? Oui, c’est vrai, mais j’aime échanger, donner mon point de vue et qu’on m’explique les choses. Je suis comme ça depuis tout petit. Je suis fier et j’ai confiance en moi, ok, mais cela ne veut pas dire que je suis prétentieu­x, attention… Ça ne m’a jamais desservi. Sur le terrain, vous la jouez parfois un peu facile. On se trompe ? C’est vrai, mais je bosse énormément là-dessus. J’ai fait beaucoup de progrès cette saison sur ce point. Tout se joue dans la tête. C’est la marque des grands défenseurs. Vous devez devenir plus défenseur, plus méchant, c’est ça ? Il y a des moments où ce n’est pas une faiblesse de balancer le ballon loin devant. Je commence à comprendre ça. Je dois devenir un défenseur à temps plein. J’ai été formé à l’école du jeu, à repartir de derrière, au sol... C’est naturel chez moi, mais il faut avoir du discerneme­nt, savoir quand on peut ou pas. C’est ça le très haut niveau. Un gars comme Chiellini, défendre, c’est son job à plein temps. Il connaît son boulot par coeur. On ne peut pas lui faire à l’envers. Ça vient de l’expérience, mais c’est surtout une mentalité. Son but ou sa passe décisive à lui, c’est une intercepti­on ou un tacle.

Avant le match contre Marseille, vous vous êtes mis la pression en pointant du doigt l’attitude de Mario Balotelli… J’ai dit ce que j’avais sur le coeur. Il fallait assumer. Tu ne peux pas lancer de telles phrases et faire l’inverse sur le terrain. Il faut mêler la parole à l’acte.

Aviez-vous préparé votre sortie ? Non. Je m’attendais à être interrogé sur Mario mais pas autant. Je me devais d’être sincère. Je n’étais pas là pour faire de la langue de bois. Tout le monde connaissai­t la situation. J’ai dit ce que je pensais. Je ne regrette aucun de mes mots.

Qu’est-ce que vous vous êtes dit pendant le match ? On s’est chauffé. C’est parti de lui. On connaît son tempéramen­t, il aime les frictions. Il ne faut pas rester sans rien faire car c’est là qu’il pense avoir gagné la bataille mentale. J’ai répondu à ses provocatio­ns, je lui disais qu’au prochain duel, je serais là… Il y a eu quelques insultes.

Sa célébratio­n après son but vous a énervé ? C’est un manque de respect. S’il en est là aujourd’hui, c’est grâce à Nice. Il a fait ce qu’il fallait, certes, mais il était dans des conditions optimales. Il a fait un peu ce qu’il voulait. Le club, les supporters et ses coéquipier­s lui ont apporté de l’amour, donné beaucoup d’affection. On lui a un peu tout passé. On savait qu’il fallait être plus flexible et indulgent avec lui. Au final, j’ai été très déçu de son comporteme­nt. On s’est expliqué après le match. Je lui ai dit tout ça. Il n’avait pas apprécié mes propos d’avant-match. Il a été blessé car c’était la vérité.

Vous partirez en vacances avec lui ? Non, non…

Quand Allan SaintMaxim­in ne se rend pas à Angers, ça vous agace ? Oui, car je n’explique pas ce genre de comporteme­nt.

Vous lui avez dit ? Oui. Je lui ai dit ce que je pensais. On a préparé ce match en faisant abstractio­n de son absence. On devait rester dedans. L’équipe prime toujours. C’est dommage, car on a besoin de tout le monde.

Quel est votre regard sur l’évolution de l’OGC Nice ? Je défendrai toujours le Gym. C’est un beau club. On n’a rien à envier à personne en France. Pour moi, seuls Lyon et Paris sont vraiment au-dessus.

Il vous reste un an de contrat. C’est quoi votre plan de carrière ? Je ne me projette pas vraiment. Il y a une saison à finir. Je ne pense qu’à progresser et corriger mes défauts. Tout se passe bien à Nice, on est sur la même longueur d’onde avec le club.

Mario a été blessé car j’ai dit la vérité ”

Que vous apporte Patrick Vieira ? C’était un joueur très apprécié au sein de ma famille, un modèle, même (il partage les mêmes origines francoséné­galaises). Mon papa l’adorait. Il était à fond derrière les champions du monde . C’était son équipe. J’aurais vraiment aimé qu’il soit là pour voir ça. Je pense qu’il aurait été très fier.

La semaine dernière, Lilian Thuram, en visite au club, a pris le temps d’échanger personnell­ement avec vous... Ha oui, ça calme (sourires). D’entrée, il m’a demandé si un défenseur devait être optimiste ou pessimiste. J’ai répondu « optimiste ». Mauvaise réponse, il m’a dit qu’un défenseur devait toujours penser au pire, à réparer les erreurs d’un de ses partenaire­s. Il m’a éclairé. Après cet entretien, j’ai appelé mon frère pour lui raconter cette discussion avec Lilian Thuram et le coach, en tête-à-tête. En trente minutes, j’ai pris une claque. Il n’y avait rien à jeter de sa perception du métier de défenseur. Je sais ce que je dois faire pour m’améliorer.

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(Photo Dylan Meiffret) Malang Sarr prend la pose au centre d’entraîneme­nt.

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