L’ultra-violence de retour sur les Champs-Élysées
L’acte XVIII du mouvement, qualifiée d’« ultimatum » à Emmanuel Macron, a été marqué par les affrontements et les pillages sur les Champs-Elysées. Plusieurs bâtiments ont été incendiés
Boutiques et restaurants pillés et incendiés sur les ChampsElysées, affrontements avec les forces de l’ordre : pour son acte XVIII, la mobilisation des « gilets jaunes » a été marquée par un très fort regain de violences à Paris. Pour cette journée présentée comme un « ultimatum » à Emmanuel Macron, alors que vient de s’échever le Grand débat national, quelque 32 300 personnes se sont mobilisées dans toute la France (10 000 à Paris) selon le ministère de l’Intérieur, et au moins 230 766 selon le décompte issu du mouvement, « Le nombre jaune », qui avertissait que cela incluait certaines manifestations communes aux « gilets jaunes » et à la « Marche du siècle » (lire ci-dessous).
(1) Des scènes d’émeutes urbaines que l’on n’avait plus vues depuis les mobilisations de début décembre, dont les images avaient fait le tour du monde.
Violents affrontements
Un scénario malheureusement prévisible. Paris était en effet annoncé comme l’épicentre de la contestation, avec plusieurs figures du mouvement ayant appelé à y converger. Quelque 5 000 membres des forces de l’ordre et six blindés de la gendarmerie avaient été déployés dans la capitale par crainte d’affrontements. Et c’est bien ce qu’il s’est passé durant de longues heures sur les Champs-Elysées. Autour de la place de l’Etoile, vers laquelle 10 000 manifestants – parmi lesquels 1 500 considérés comme « ultra-violents » par les autorités –, avaient convergé, la tension est rapidement montée, dès 11 heures. Beaucoup d’entre eux, souvent vêtus de noir, capuche ou casque sur la tête, ont lancé pavés et pierres sur les forces de l’ordre, qui ont répliqué par des tirs de gaz lacrymogène. Un fourgon de gendarmes mobiles a même été pris d’assaut par des manifestants, l’un d’eux essayant de sortir par la force le conducteur du véhicule, avant que ses collègues n’interviennent. Et en fin de journée, un CRS a échappé de peu à un lynchage. Enfin, une voiture de police a été incendiée dans l’aprèsmidi devant le commissariat des Halles.
Des bâtiments et véhicules incendiés
Dans le même temps, toujours sur les Champs-Elysées, des casseurs ont systématiquement détruit des vitrines, et pillé de nombreux magasins : Zara, Hugo Boss, Lacoste, Nespresso... Des exactions qui ne se sont pas arrêtées là, puisque plusieurs bâtiments ont été incendiés. D’abord, en début d’après-midi, un immeuble près des Champs-Elysées, abritant une banque au rez-dechaussée. Bilan : onze blessés légers, et surtout une femme et son bébé sauvés par les pompiers alors qu’ils étaient coincés au deuxième étage. Dans les heures suivantes, plusieurs enseignes ont subi les même sort, depuis de modestes kiosques à journaux jusqu’au luxueux maroquinier Longchamp, en passant par le célèbre restaurant Le Fouquet’s, avant une intervention des forces de l’ordre qui a ramené un calme relatif. En fin d’après-midi, une partie des manifestants ayant quitté les Champs-Elysées et se dirigeant vers la place de la République incendiait sur son parcours des poubelles et des véhicules.
Des dizaines de blessés, plus de interpellations
Au final, d’après la préfecture de police, 17 membres des forces de l’ordre ont été blessées, ainsi qu’un pompier, et 42 manifestants. Selon un bilan provisoire vers 19 h 30, quelque 237 personnes ont été interpellées. Parmi elles, 144 se trouvaient en garde à vue à 21 heures, a indiqué le parquet de Paris.
Macron rentre de façon anticipée
Face à cette flambée de violences, le président de la République a annoncé dans la soirée qu’il écourtait son séjour dans les Hautes-Pyrénées, où il était parti, après sa tournée en Afrique, « se ressourcer » en faisant du ski – des images largement exploitées sur les réseaux sociaux par l’opposition. Il devait se rendre vers 22 h 30 à la cellule de crise au ministère de l’Intérieur. Plus tôt dans la journée, Edouard Philippe était venu apporter sur les Champs-Elysées « son plus grand soutien » aux forces de l’ordre. « Comme une immense majorité de Français, je ressens aujourd’hui une très grande colère », a déclaré le Premier ministre, qui a jugé « inacceptables » ces violences et estimé que « ceux qui excusent ou qui encouragent » de tels actes s’en rendent « complices ».
Et ailleurs en France...
En régions, quelque 2 000 « gilets jaunes » ont manifesté à Montpellier (trois interpellations) et 800 à Marseille (deux interpellations). À Bordeaux, l’un des bastions du mouvement, quelques accrochages ont mis aux prises manifestants jetant des bouteilles et forces de l’ordre qui faisant usage de gaz lacrymogènes et de canons à eau ; une agence de la Société générale a été mise à sac près de la gare.
1. La semaine dernière, ces nombres étaient respectivement de 28 600 (3 000 à Paris) et 90 469.