Var-Matin (Grand Toulon)

Semaine du cerveau : le rôle de la stimulatio­n électrique

Elle a 28 ans, elle est cagnoise et elle s’appelle Laurine. Une jeune fille comme les autres qui rêve de découverte­s, de voyages, d’indépendan­ce. Ils sont assujettis à… un moteur

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Le rêve de Laurine : équiper son fauteuil manuel d’une motorisati­on électrique. Un désir qui peut surprendre ceux qui ont la chance d’être valides et qui voient dans le fauteuil roulant un symbole de privation de liberté. Mais pour cette jolie jeune fille, lestée de son handicap depuis toujours, le fauteuil est d’abord un compagnon fidèle qui lui permet d’avoir une vie la plus « normale » possible. La jeune Cagnoise ne ménage pas ses efforts pour qu’il en soit ainsi. Au risque de s’épuiser. Mais elle n’en a cure : Laurine veut vivre pleinement ses jeunes années, découvrir le monde, rendre visite à ceux qu’elle aime, son frère, ses neveux qui vivent à l’autre bout de la France… Et ses projets, comme elle nous l’expliquera plus tard, sont assujettis à l’acquisitio­n d’un Minotor, un dispositif qui offre la possibilit­é de motoriser très facilement et en quelques secondes un fauteuil roulant manuel (lire encadré).

Syndrome de Little

Mais écoutons déjà l’histoire de cette jeune fille au sourire lumineux. Tout commence le jour de sa naissance, il y a 28 ans. «Ma maman a accouché à 6 mois et une semaine de grossesse. J’étais une crevette. » Pendant trois semaines, les médecins ne se prononcero­nt pas sur ses chances de survie. Et lorsque son pronostic vital ne sera plus engagé, ce sera sur les séquelles éventuelle­s associées à sa grande prématurit­é qu’ils garderont le silence. « Ils ne peuvent pas prédire l’avenir ; ainsi, mon frère aîné, né au même terme que moi, n’a aucune séquelle. » La situation est tout autre pour Laurine : de grandes difficulté­s à se tenir assise, un retard très important à la marche… Cela ne fait bientôt plus aucun doute : Laurine souffre du syndrome de Little, une pathologie qui touche principale­ment des bébés nés prématurém­ent ou ayant connu un traumatism­e lors de l’accoucheme­nt. « Mon cerveau a manqué d’oxygène, et des connexions ont été détruites. » Ses membres inférieurs sont atteints de paralysie dite spastique (anomalies de la contractio­n musculaire). Un handicap très lourd, qui va la contraindr­e à quitter la poussette pour le fauteuil dès son plus jeune âge. Si elle parvient à se lever et à marcher un peu, c’est au prix de grands efforts et pendant un temps limité. Soutenue par ses proches, et sa maman en particulie­r, Laurine va mener néanmoins une scolarité classique, assistée par des auxiliaire­s de vie scolaire. Sa pugnacité, sa volonté, son courage ont néanmoins des limites : « Lorsque j’ai envisagé de préparer un BTS – après avoir obtenu un baccalauré­at profession­nel – cela s’est avéré impossible. Trop de pression. » Car si Laurine déplace des montagnes dans sa vie quotidienn­e, elle en convient, elle a du mal à supporter certaines situations. «La pression déclenche chez moi de fortes crises d’angoisse. Peut-être parce que je supporte beaucoup trop d’autres choses par ailleurs. » Un aveu gêné. Laurine déteste se plaindre.

Si vous souhaitez participer : « Il y a des personnes dans une situation l’univers dans lequel elle reste bien pire que la mienne », recluse. « Mon fauteuil roulant électrique justifie-t-elle. Son handicap, Laurine est très bien, insiste-t-elle. Il ne l’a jamais détesté. «Jen’ai me permet de me promener partout rien connu d’autre, explique-t-elle dans Cagnes. Mais je ne peux dans un sourire. Je comprends que aller plus loin ; il est impossible de ce soit plus difficile pour ceux qui le mettre dans une voiture, il est sont devenus invalides à la suite trop volumineux pour certains ascenseurs… d’un accident, par exemple. Moi, je Et puis, surtout, si je n’ai aucun élément de comparaiso­n, veux voyager, je ne peux pas le hormis les autres personnes. » prendre. » Comme les autres personnes Mais aux autres, elle ne se compare dans sa situation, Laurine pas. Ou plus. « À l’adolescenc­e, n’a alors d’autre choix que celui de j’ai souffert du syndrome “Je recourir à un fauteuil manuel. Mais veux faire ses bras,

«Jen’airien comme tout le du fait de monde”. J’ai été sa maladie,

connu d’autre... » jusqu’à faire n’ont pas la “grève de kiné” force de la pendant 6 mois ! » Une « grève » pousser. Et Laurine se fatigue très lourde de conséquenc­e. Laurine vite. Il lui faut alors de l’assistance. n’a pas le choix. Deux fois par semaine Une dépendance difficile à vivre. aujourd’hui encore, elle suit Mais aussi des contrainte­s pour des séances de kiné. Et c’est dans ses proches, sa maman en particulie­r, le centre où elle se rend qu’elle a contrainte­s dont elle voudrait rencontré Sarkis, avec qui elle s’est bien la délester. Les revenus de la liée d’amitié. Un homme atteint de famille sont trop modestes pour tétraplégi­e, et qui racontait dans permettre au rêve de Laurine de ces mêmes colonnes son amour devenir réalité. « C’est beaucoup de la vie et des autres (nos éditions d’argent ! », commente-t-elle en du 27 février 2016). évoquant le prix de l’assistance électrique (plus de 5 000 euros). Oui, c’est beaucoup d’argent. Mais quelle est sa valeur lorsqu’il est destiné à aider une jeune fille comme les autres, qui aime, qui rit, qui pleure, « peut-être un peu plus fort que les autres », à réaliser ce rêve simple : prendre son envol.

Confiance réciproque

D’emblée, les deux Cagnois « se reconnaiss­ent ». « Nous étions les seuls patients en fauteuil électrique », s’amusent-ils. Ils sont aussi les moins plaintifs. Sarkis va gagner la confiance de la timide Laurine. A lui, elle va confier son rêve : augmenter son autonomie et élargir

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 ?? (Photo N. C.) ?? Le fauteuil électrique, très massif, de Laurine, lui est vital dans sa vie quotidienn­e, mais ne lui permet pas d’aller au bout de ses rêves : voyager, découvrir... de façon autonome.
(Photo N. C.) Le fauteuil électrique, très massif, de Laurine, lui est vital dans sa vie quotidienn­e, mais ne lui permet pas d’aller au bout de ses rêves : voyager, découvrir... de façon autonome.

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