Var-Matin (Grand Toulon)

Air Cocaïne : on n’est jamais mieux trahi que par les siens

Issu du milieu de l’aviation d’affaires et membre de la famille d’un accusé, Michel Dreyfus a témoigné à charge au procès d’Aix. Une position façonnée par la rancoeur, selon la défense

- ERIC MARMOTTANS emarmottan­s@nicematin.fr

« N’étant pas une jeune fille, on ne me la raconte pas à moi. » Michel Dreyfus, 72 ans, est l’un de ces drôles de personnage­s qui hantent l’épais dossier Air Cocaïne. Ce retraité, ancien dirigeant d’une société d’aviation d’affaires, a été invité vendredi à s’exprimer devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, à Aix-en-Provence. Michel Dreyfus a la particular­ité d’être le petit-cousin de l’un des neuf accusés, Pierre-Marc Dreyfus (lire nos « Repères » ci-contre). Une homonymie qui aurait valu au septuagéna­ire, connu autour de l’aéroport de Lyon-Bron, de voir « [sa] réputation ternie dans les dîners en ville ». Devant les policiers, ce Lyonnais ne s’était pas fait prier pour accabler les protagonis­tes. « Je n’ai jamais vu de location d’avion avec autant de valises pour un seul passager », avait-il déclaré après la saisie, à Punta Cana, de l’avion exploité par son petitcousi­n. « Ça existe, fait-il mine de nuancer à la barre, mais c’est avec Madonna, Lady Gaga ou Céline Dion. »

Du pain béni pour l’accusation

Entre deux quintes de toux, le président de la cour Jean-Luc Tournier l’interroge sur les règles tacites de l’aviation d’affaires, selon lesquelles « le client est roi »et« on ne lui demande pas grand-chose » sur la nature de ce qu’il transporte, au risque d’en subir des conséquenc­es sur le plan profession­nel (lire nos éditions du 1er mars ).« Personne ne révoquera un pilote s’il fait son travail », conteste Michel Dreyfus. L’avocat général (chargé de porter l’accusation) flaire le bon coup. « Prenons cette “hypothèse d’école”, Pascal Fauret et Bruno Odos vous appellent et vous indiquent : “Nous sommes à Punta Cana et nous avons un doute sur les bagages.” Qu’est-ce que vous conseillez ou ordonnez ? », interroge Marc Gouton. « J’ai pas beaucoup été à l’école ,dit le témoin un peu gêné. Je ne sais pas quoi vous répondre .» Le magistrat persiste : « Si les pilotes font ouvrir les bagages d’un client et qu’il n’y a rien. Et que ce client fait part de son mécontente­ment en leur disant qu’il s’en plaindra à leur employeur. Comment réagissez-vous au retour des pilotes ? »–« Je les félicite .»

La défense met le doigt sur un différend familial

De quoi faire bondir Bruno Odos et Pascal Fauret. Ce dernier obtient de questionne­r lui-même le témoin. De cet échange, il ressort que Michel Dreyfus n’a jamais été pilote – il n’a donc pas eu l’occasion de voir un avion « rempli à ras bord » – et qu’il n’a jamais été confronté à « l’hypothèse d’école » proposée par l’avocat général. Pour finir de décrédibil­iser le témoin, les avocats de Pierre-Marc Dreyfus prennent le relais. Me Pierre Ceccaldi s’efforce de mettre en évidence l’amertume de Michel Dreyfus dont le petit-cousin a repris la société d’aviation d’affaires (THS devenue SN-THS) qu’il gérait mal. Un différend autour de la vente d’un véhicule est aussi évoqué. « Il m’a envoyé la police », s’offusque encore le témoin. « Celui qui est derrière vous, vous le voyez comme un trafiquant de stupéfiant­s ? », finit par demander Me JeanFélix Lucciani en désignant PierreMarc Dreyfus. « Je n’ai rien à voir avec ça .»

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(Photo Dominique Leriche) Pierre-Marc Dreyfus, le  février à Aix.

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