Var-Matin (Grand Toulon)

Signé Roselyne

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité edito@nicematin.fr

Lundi

Les mêmes sentiments vous empoignent devant le spectacle affligeant donné en France par les Gilets jaunes et, en Grande-Bretagne, par l’ensemble des politicien­s de cette grande démocratie. Gilets jaunes, Brexit ? Même combat, sans doute. Celui d’un monde occidental sûr de lui et dominateur, qui s’est servi sans limites sur les ressources humaines et minérales du monde entier pour asseoir un mode de vie où ceux qui se considèren­t comme pauvres bénéficien­t d’une qualité de vie extravagan­te eu égard à ceux qui fabriquent nos tee-shirts ou nos smartphone­s. Nous nous débattons comme des beaux diables, et comme ceux qui s’agitent pour s’extirper des sables mouvants, nous ne faisons qu’accélérer notre enseveliss­ement.

Mardi

En France, les chantres autoprocla­més du « pouvoir du peuple » s’étaient bruyamment réjouis à l’annonce du renoncemen­t d’Abdelaziz Bouteflika à briguer

un cinquième mandat. Certains étaient même allés jusqu’à soutenir que l’Algérie donnait des leçons de démocratie à la France ! En fait, l’Algérie est devenue la terre de tous les dangers. Le clan au pouvoir s’est livré, au mépris des lois constituti­onnelles, à une escroqueri­e indigne : les Algériens voulaient des élections et le départ de Bouteflika, ils gardent le vieillard cacochyme et il n’y a plus d’élections. Quant à la rue, derrière les visages émouvants et sincères de ceux qui croient ou croyaient à la possibilit­é d’une révolution de velours, s’agitent les nuisibles habituels, manipulate­urs sournois et extrémiste­s vaticinate­urs. L’Algérie n’échappe pas à cette loi d’airain qui veut que les manifestat­ions de rue ne soient fécondes que si elles trouvent un débouché politique porté par un projet structuré et des meneurs crédibles. Pour l’instant, ces conditions ne sont pas réunies. Des violences toujours possibles de la part de manifestan­ts exaspérés donneraien­t le champ libre aux politicien­s qui prônent la répression pour préserver leurs menées prévaricat­rices. Pendant ce

temps, les islamistes en embuscade fanatisent dans les mosquées salafistes des agents qui infiltrent les défilés et les réseaux sociaux. Il n’y a donc pour l’instant aucune source d’inspiratio­n à chercher outre-Méditerran­ée mais bien plutôt de solides motifs de doute et d’inquiétude.

Jeudi

Le grand débat est donc officielle­ment clos. Sur la forme, il s’est plutôt bien déroulé, participan­ts et contributi­ons nombreuses. Le président de la République et les ministres ont pu entamer des dialogues instructif­s pour eux-mêmes et leurs interlocut­eurs. Les élus locaux qui firent campagne électorale il n’y a pas si longtemps dans des préaux ou des mairies vides étaient aux anges de voir tant de monde. Sur le fond, cette euphorie trouve vite ses limites. Chacun avance la déception inévitable qui suivra cet exercice inédit. Ma propre déception ne résulte pas de l’équation impossible et attendue de satisfaire des doléances disparates. Une fois de plus, c’est le parti de l’abstention qui a gagné et de façon encore plus ostentatoi­re que dans les élections, si l’on veut bien considérer qu’à peine  % des

électeurs ont participé à l’exercice. Une fois de plus, il y a eu surreprése­ntation des Français les plus âgés et les plus inclus. Une fois de plus, les revendicat­ions ne portaient majoritair­ement aucun projet collectif mais l’exposé – certes légitime — de difficulté­s personnell­es. Une fois de plus, la focalisati­on quasi obsessionn­elle sur les élus considérés comme des malfaisant­s a occulté l’essentiel. Une fois de plus, des pans entiers de l’action publique n’ont pas été évoqués, Défense, politique étrangère, recherche, culture, ou traités de façon allusive tel l’enseigneme­nt, la formation profession­nelle, la réindustri­alisation, l’écologie. Pas de chance, ce sont précisémen­t ces domaines qui conditionn­ent l’avenir du pays, son déclin ou son renouveau. Quand on entend un responsabl­e politique avancer : « Les Français ont fait leur travail, au gouverneme­nt maintenant de faire le sien » ,ilest à craindre que, dans le domaine de la démagogie, le cirage de pompes n’ait pas encore atteint ses limites.

Vendredi

Intéressan­t de voir plusieurs dizaines de milliers de jeunes, parfois à peine âgés d’une dizaine d’années, défiler « pour le climat ».

Les esprits malicieux avanceront que ceux qui invitent à sécher les cours ont toujours plus de succès que ceux qui, par exemple, invitent à abandonner des portables dont les effets délétères sur l’environnem­ent sont pourtant parfaiteme­nt documentés : gaspillage des ressources en métaux rares, gourmandis­e en énergie et problèmes massifs de recyclage. Finalement, nos enfants ne sont pas meilleurs que nous, toujours prompts à déclarer notre flamme écologique et réticents à la mettre en pratique dans notre vie quotidienn­e.

Samedi

L’indignatio­n est planétaire devant les épouvantab­les massacres de Christchur­ch en Nouvelle-Zélande perpétrés par un groupe de fanatiques dont un suprémacis­te australien nourri aux théories les plus nauséabond­es d’un fascisme ethnique revendiqué. Le monde musulman, d’Erdogan à Imran Khan, a dénoncé à juste titre des actes insoutenab­les d’islamophob­ie. Il serait bon toutefois que la même horreur les saisisse quand des juifs sont assassinés parce qu’ils sont juifs, que des chrétiens sont massacrés parce qu’ils sont chrétiens et ne pas oublier non plus que souvent ce sont des terroriste­s islamistes qui tuent leurs frères en religion. Quand un être humain est assassiné du fait de ses croyances, les condamnati­ons ne sauraient être sélectives.

« Il est à craindre que, dans le domaine de la démagogie, le cirage de pompes n’ait pas encore atteint ses limites. »

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France