Allergies alimentaires : heureux mais imprudents
Si les enfants souffrant d’allergie alimentaire sévère sont au moins aussi épanouis que les autres, 1 sur 2 ne porte pas sur lui la trousse d’urgence
Avant, on s’occupait simplement de soigner des maladies. On se préoccupait peu du retentissement de la prise en charge. Aujourd’hui, on s’efforce de prendre en compte l’impact de la pathologie et du traitement sur la vie du patient et de sa famille. » Professeur de pédiatrie au CHU-Lenval à Nice, Lisa Giovannini-Chami vient de publier la première étude française jamais réalisée sur la qualité de vie des enfants souffrant d’allergies alimentaires sévères. Une étude importante, dans la mesure où ces allergies constituent un fardeau dont beaucoup d’entre eux ne se débarrasseront jamais. « Aussi, et comme c’est le cas pour toutes les maladies chroniques, se pose notamment le problème de l’observance et de la prévention des risques. Et on sait qu’elles sont étroitement liées à la qualité de vie. » L’étude conduite par le Pr GiovanniniChami a duré deux années et s’est intéressée à plus de 900 enfants (âgés de 8 à 17 ans) scolarisés à Nice. « Parmi eux, 135 souffraient d’allergies alimentaires, et 255 de maladies chroniques diverses (asthme, diabète, obésité, anorexie, boulimie…). On a montré que contrairement à ce qu’avait rapporté une étude néerlandaise similaire, l’allergie, même si elle peut engager le pronostic vital, a un impact limité sur la qualité de vie des enfants. Ils vont au moins aussi bien que les enfants “sains” et mieux que les autres petits malades chroniques. »
Ingestion accidentelle
La plupart finissent par s’adapter aux contraintes inhérentes à l’allergie et suivent bien leur régime. « Les nombreux efforts réalisés dans l’accueil de ces enfants dans nos cantines scolaires et sur l’étiquetage des produits contribuent certainement aussi à une meilleure qualité de vie ces dernières années. » Mais une autre conclusion, beaucoup moins souriante, contrarie la spécialiste : à peine la moitié des enfants atteints d’allergie grave portent sur eux la fameuse trousse d’urgence contenant en particulier le stylo auto-injecteur d’adrénaline. « Les allergiques alimentaires, mêmes graves, n’ont pas toujours conscience du risque. Une ingestion accidentelle voire un simple contact (allergie alimentaire par procuration via un baiser) sont toujours possibles, n’importe où, n’importe quand,
et peuvent engendrer des situations dramatiques ». Des mots volontairement brutaux pour rappeler qu’en cas d’allergie alimentaire sévère, le risque zéro n’existe pas.