Remarcher grâce à la stimulation électrique Actu
La Semaine du cerveau se poursuit jusqu’à mardi. Les chercheurs ont présenté leurs travaux, parmi lesquels ceux de la Suissesse Jocelyne Bloch autour de la paraplégie
Refaire marcher les paraplégiques par la stimulation électrique de la moelle épinière : c’est l’objectif ambitieux d’une équipe de chercheurs suisses. Le Pr Jocelyne Bloch, responsable du programme de neurochirurgie fonctionnelle CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois), université de Lausanne, a présenté les premiers résultats de cette étude lors d’une conférence au CHU de Nice dans le cadre de la Semaine du cerveau. « L’idée est simple : réactiver électriquement la région responsable de la marche qui, suite à une lésion de la moelle épinière, ne reçoit plus assez de commande du cerveau. On a besoin d’une région particulière de la moelle épinière (de 6 cm) pour marcher. Entre cette région et le cerveau, il y a des câbles de transmission. Si ceux-ci sont interrompus par un traumatisme ou une lésion, le cerveau n’est plus capable de donner de façon efficace ses instructions aux jambes, résume le Pr Bloch. Dans la plupart des situations de paraplégie, il reste quelques fibres de moelle épinière, mais elles ne suffisent pas à assurer la communication : elles sont dites “silencieuses”. Le concept que l’on étudie consiste à réactiver la moelle épinière via une stimulation électrique, comme si, en quelque sorte, on amplifiait la commande du cerveau. »
Mimer au mieux la nature
Pour être plus efficace encore, l’équipe suisse a travaillé sur une stimulation ciblée mimant au mieux la nature. Au lieu d’administrer un courant électrique diffus et continu sur ces 6 centimètres de moelle épinière, les chercheurs s’attachent à stimuler précisément et en temps réel les zones dans cette région normalement activées pour chaque séquence de la marche. « Cette stimulation ciblée vise à déclencher une réponse musculaire précise : par exemple pour obtenir un mouvement de la hanche, puis de la cheville tout en relâchant l’activité d’un muscle non nécessaire à l’instant voulu. » Les premiers protocoles ont été testés chez le rat avec succès. Il est apparu que le rongeur parvenait à enchaîner des mouvements et à se déplacer. « De façon plus inattendue, le fait d’entraîner l’animal sous ce régime de stimulation lui a permis de récupérer une fonction neurologique, ce phénomène s’apparentant à une repousse nerveuse », souligne le Pr Bloch. Une fois la phase préclinique achevée, les chercheurs (ingénieurs, médecins, physiothérapeutes, infirmiers, etc.) ont démarré la phase d’étude clinique en août 2016. Sept patients ont participé, avec des résultats particulièrement probants. Il a d’abord fallu équiper le laboratoire avec des systèmes d’enregistrement vidéo, et un harnais permettant à la personne paraplégique d’être maintenue en position verticale dans un robot l’aidant à se déplacer. Mais aussi, et surtout, adapter la technologie de stimulation médullaire à ce type de protocoles nouveaux.
Des résultats impressionnants
« Nous avons travaillé sur la stimulation spatio-temporelle, c’est-àdire le fait de stimuler chaque zone à un moment précis permettant de dérouler le pas », indique le Pr Bloch, qui a exposé le cas d’un patient, David, 27 ans, ancien sportif de haut niveau, victime d’une lésion cervicale 7 ans auparavant. « Dès les premiers tests, il est parvenu à faire des mouvements et à avancer [il était maintenu par le harnais et encadré par des soignants, Ndlr]. Il s’est rapidement amélioré. Cela montre à quel point l’entraînement est primordial et, surtout, que l’on est capable de réactiver la commande du cerveau. Après deux mois, David pouvait faire bouger sa jambe sans stimulation. » Des résultats impressionnants, mais que la scientifique tempère : « Nous ne voulons pas donner de faux espoirs : on ne peut pas, pour l’heure, faire remarcher normalement des paraplégiques. Toutefois, on observe une récupération qui nous indique qu’un entraînement intensif – possible grâce à ce type de protocole – induit très certainement une repousse des fibres nerveuses. Si l’on s’interroge sur le gain en termes de qualité de vie, on sait que, pour l’heure, cela ne permet pas au paraplégique de remarcher normalement ; il va continuer à utiliser un fauteuil roulant au quotidien. Toutefois, cela lui permet de renforcer ses muscles, d’effectuer quelques tâches qu’il ne pouvait plus réaliser, d’améliorer l’état de ses os, et l’on s’est également aperçu qu’il a moins de problèmes thermiques, parce que la sudation est meilleure. » L’équipe a développé un outil permettant au patient d’utiliser le système de stimulation en dehors du laboratoire, chez lui ou à l’extérieur. Ces recherches sont cruciales, car elles laissent augurer d’autres avancées au fur et à mesure que l’on approfondira les connaissances en la matière. Une nouvelle phase d’étude clinique devrait démarrer et inclure, cette fois, 20 patients récemment lésés. Le programme sur www.semaineducerveau.fr