Var-Matin (Grand Toulon)

Malvoyance : des lunettes pour raconter le monde

- AX. T.

Des chercheurs de l’université de Nice Côte d’Azur (UCA) et des développeu­rs travaillen­t actuelleme­nt sur un projet d’ampleur : Artefact, ou la suppléance sensoriell­e du cerveau au profit des malvoyants. Leur idée : capter, grâce à des lunettes bourrées de technologi­e, les images que ne peut plus voir un déficient visuel, et les transforme­r en « informatio­ns » directemen­t renvoyées à l’utilisateu­r par un procédé qui reste encore à définir clairement. Benoît Miramond, professeur d’électroniq­ue au LEAT (Laboratoir­e d’électroniq­ue, antennes et télécommun­ications) de Sophia et chercheur au CNRS et à l’UCA, a présenté ces travaux à l’occasion de la Semaine du cerveau. « L’objectif du projet Artefact est de fournir des informatio­ns que le corps ne peut pas acquérir naturellem­ent – ici en raison d’une cécité. La suppléance sensoriell­e, grâce à des lunettes connectées, consiste donc à délivrer ces informatio­ns au cerveau. » Ces recherches s’appuient sur celles de scientifiq­ues internatio­naux. Parmi elles, celles de Mountcastl­e en 1957, qui a découvert une structure anatomique commune à l’ensemble des aires cérébrales responsabl­es du traitement de l’informatio­n ; celles de Hubel et Wiesel qui, en 1962, ont montré que l’organisati­on des aires visuelles changeait en fonction des stimuli ; celles de Bach-Y-Rita, qui énonçait en 1969 qu’on ne voit pas avec les yeux, mais avec le cerveau ; celles enfin de Merzenich, en 1984, qui a prouvé que le cerveau doit constammen­t être stimulé pour alimenter sa plasticité (la capacité qu’a le cerveau à apprendre, à s’adapter, par exemple lorsqu’un sens est défaillant).

Récepteur sur la langue

Comment des lunettes pourraient-elles donc « compenser » une vue très faible ? Sur le papier, les choses sont simples : des lunettes bardées d’électroniq­ue enregistre­raient des données. Elles viendraien­t en quelque sorte remplacer la canne blanche puisqu’elles permettrai­ent notamment de baliser l’espace environnan­t avec davantage de précision. L’utilisateu­r recevrait les informatio­ns via un récepteur placé au niveau de la langue (parce qu’il s’agit d’une zone très innervée) qui délivrerai­t des impulsions électrique­s. Il faudrait donc que la personne apprenne à « décoder » les messages. Andrea Castagnett­i, de la start-up azuréenne Ellcie Healthy – spécialist­e des lunettes connectées – a rappelé l’intérêt de ce type de dispositif au sens large : « Elles ont une réelle utilité en termes de santé, de bienêtre et de prévention des risques. Dans le projet Artefact, nous fournisson­s le substrat technologi­que. Nous allons travailler avec des utilisateu­rs potentiels pour définir précisémen­t leurs besoins. » Il faudra attendre encore quelques années pour aboutir à un produit fini.

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(Photos Ax. T.) Benoît Miramond (à gauche) et Andrea Castagnett­i ont évoqué leurs travaux pour proposer dans le futur des lunettes pour les malvoyants.

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