Christchurch : l’émouvant hommage aux victimes
Le déroulé du carnage perpétré dans deux mosquées par un suprémaciste blanc se précisait hier, alors que les premières dépouilles allaient être rendues aux familles
Les Néo-Zélandais multipliaient hier les hommages à la mémoire des 50 fidèles tués vendredi (34 blessés étaient par ailleurs toujours hospitalisés) dans deux mosquées de Christchurch, alors que le voile se lève progressivement sur le déroulement d’un massacre qui a aussi donné lieu à des actes héroïques. De nombreux habitants de la ville ont recommencé hier à sortir de chez eux pour aller déposer fleurs et mots près des deux lieux de culte pris pour cible par Brenton Tarrant, l’extrémiste australien de 28 ans qui, lors de son inculpation samedi, a fait de la main un signe de reconnaissance des suprémacistes blancs. « Nous nous tenons aux côtés de nos frères et soeurs musulmans », peut-on lire sur une grande banderole près d’un des sites où s’empilent des fleurs dans un mémorial improvisé. Dans tout le pays, un élan de solidarité interconfessionnelle a été observé, avec notamment des millions de dollars de dons et des achats de nourriture halal destinés aux victimes. Dans le même temps, les autorités se préparaient hier à remettre les premières dépouilles des victimes à leurs familles, de plus en plus impatientes de procéder aux funérailles (la coutume musulmane prévoit l’inhumation du corps dans les 24 heures suivant le décès). Quatre femmes figurent parmi les victimes, âgées de 3 à 77 ans, selon une liste encore incomplète. Plusieurs victimes étaient natives de la région mais d’autres étaient des immigrés originaires de pays éloignés. Quatre Égyptiens, un Saoudien, un Indonésien, quatre Jordaniens, six Pakistanais et cinq Indiens figurent notamment parmi les victimes.
Actes héroïques
Quarante-huit heures après la tragédie, le déroulement de la tuerie se précisait hier avec les témoignages des rescapés, dont certains relatent de véritables actes d’héroïsme. Comme Abdul Aziz, Australien d’origine afghane, qui était avec ses quatre enfants dans la mosquée de Linwood quand il s’est précipité vers le tireur. Après avoir entendu un de ses fils lui crier de se mettre à l’abri dans la mosquée, Abdul s’est emparé d’un fusil vide laissé par le tueur en lui criant plusieurs fois « Viens par ici ! » dans le but de l’éloigner de la mosquée. « Je voulais juste sauver autant de vies que possible, quitte à perdre la mienne » , at-il déclaré. Abdul Aziz a continué à poursuivre le tireur qui s’enfuyait en voiture, avant d’être interpellé. Farid Ahmad, lui, a perdu son épouse Husna, 44 ans, tuée alors qu’elle aidait à sauver des fidèles. Mais son mari se refuse à sombrer dans la haine à l’égard de Brenton Tarrant, un «fasciste » autoproclamé qui a expliqué ce massacre et les deux années de sa préparation dans un long « manifeste » raciste et islamophobe de 74 pages. À la question de savoir s’il pardonnait au tueur, Farid Ahmad a répondu : « Bien sûr. La meilleure chose, c’est le pardon, la générosité, l’amour et l’affection. »