Var-Matin (Grand Toulon)

Paul Morlet, l’entreprene­ur qui n’a pas froid aux yeux

La valeur n’attend pas le nombre d’années. Paul Morlet n’a pas 30 ans et révolution­ne l’optique avec son enseigne Lunettes pour tous. Il abordera son parcours jeudi au Mas Nice-Matin

- PROPOS RECUEILLIS PAR KARINE WENGER

Paul Morlet est un grain de sable dans l’oeil des opticiens. Irritant… Lui se voit plutôt en disruptif. Le jeune Lyonnais - il n’a pas trente ans - a fait de l’audace sa marque de fabrique. À 20 ans, il crée Lulu Frenchie, une entreprise de lunettes publicitai­res personnali­sables. À 24 ans, il ouvre la première boutique de Lunettes pour tous, avec Xavier Niel en associé principal. Des lunettes de vue à partir de dix euros, disponible­s en dix minutes ; le concept tape dans l’oeil des consommate­urs. À 29 ans, Paul Morlet est à la tête d’un réseau de neuf magasins dont celui de Nice, ouvert en début d’année. Il emploie 310 salariés et a réalisé un chiffre d’affaires de 22 M€ en 2018. L’homme d’affaires prévoit l’ouverture d’une quarantain­e de points de vente cette année. Il est l’invité du Mas Nice-Matin ce jeudi 21 mars.

Votre réussite est-elle le fruit d’un parcours grandes études-école de commerce ? Pas du tout. Je n’étais pas très bon à l’école et j’ai été orienté en BEP électrotec­hnique. Après mon bac pro en alternance à la SNCF, à vingt ans, j’ai compris que ma vie allait être compliquée sans diplôme, condamnée à des métiers manuels. J’ai décidé de me mettre à mon compte en octobre . En , on dit plutôt être entreprene­ur.

Avec quelle idée en tête ? Vendre des lunettes publicitai­res au BtoB. Je sortais des feuilles A microperfo­rées sur mon imprimante jet d’encre que je collais sur les verres de lunettes de soleil très basiques.

Ça a marché ? Non. Je me suis alors dit que mes lunettes devaient être portées par des stars. Je n’étais pas le premier à y penser. J’ai imprimé des lunettes avec des noms de stars très connues : Lady Gaga, Black Eyed Peas, Will Smith, David Guetta… Je les ai prises en photo et postées sur Twitter. Les mêmes messages envoyés à la même star   fois par jour, ça finit par se voir. J’ai aussi envoyé des lunettes à des stars qui, croyant que c’était un cadeau de fan, se sont prises en selfie avec. Les médias s’en sont emparés et, en six mois, Lulu Frenchie était lancée, les commandes affluaient.

Comment est née Lunettes pour tous ? J’ai rencontré Xavier Niel qui m’a demandé si je savais faire des lunettes de vue pas chères, prêtes en dix minutes. On voulait être en rupture avec ce qui existait. Faire du rapide, moins cher, du volume. Avec un examen de vue sur place. Le modèle économique est très difficile à tenir : payer des médecins sur place sans le refacturer aux clients, avoir des marges très réduites et assurer un énorme volume. On a ouvert à Paris en .

La clé de votre réussite ? Plus la concurrenc­e prenait la parole contre nous et nous défonçait, plus les gens venaient chez nous. Notre magasin est devenu rentable en trois à quatre mois. On a rapidement dupliqué le modèle en France : Lyon, Marseille, Toulouse, Rennes, Nantes, Lille… et Nice.

Où fabriquez-vous ? Nos verres sont fabriqués par une filiale du groupe Essilor en République tchèque et couvrent  % des correction­s avec des finitions antireflet, anti-rayures et antilumièr­e bleue… Nous avons   références en magasin et un choix de  montures designées nousmêmes. Elles sont fabriquées en Chine dans les usines de Prada et Dior. La qualité des montures est comparable à celles des grandes marques. Tous les vendredis, on propose deux modèles inédits pour créer de la rotation.

Vous proposez vraiment des lunettes de vue à  en  minutes ? C’est notre prix d’appel. Notre panier moyen tourne autour de  Et oui, les lunettes sont prêtes en  minutes. Chaque boutique dispose d’une machine industriel­le robotisée qui découpe le verre à la bonne forme et l’adapte à la monture. Elle coûte   € pièce. À cette machine s’ajoutent celles d’examen de vue. Le seuil de rentabilit­é est de  lunettes par jour. Nous en vendons entre  et .

Le prix fait votre succès ? Non, il faut plus que des prix bas. Beaucoup de gens ont un forfait optique dans leur mutuelle. Pour prendre un marché, il faut offrir des services comme les lunettes de vue en  minutes sans ordonnance, un grand choix de modèles design et de qualité, un réseau partout en France, un SAV gratuit.

Qu’allez-vous faire après ? On regarde de près Internet. Même si la plus-value n’est pas très bonne car le client doit avancer les frais, sa part de marché va s’accroître parce que le gouverneme­nt veut que les lunettes soient dérembours­ées. C’est la raison pour laquelle des acteurs comme moi arrivent.

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(D.R.) Paul Morlet : «Le prix ne suffit pas, il faut des services en plus.»

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